🟱 PĂȘche vintage de la brĂšme Ă  la pelote (1950)

« La pĂȘche Ă  la petite pelote », est le titre d’un article de 1950 publiĂ© dans le Chasseur Français, qui dĂ©crit une technique de pĂȘche dĂ©sormais obsolĂšte.

📰 PĂȘche Ă  la petite pelote

1950

«Tous nos confrĂšres connaissent la brĂšme, ce cyprin au corps large, Ă©levĂ©, comprimĂ© latĂ©ralement et recouvert d’Ă©cailles brillantes. Ils ont remarquĂ© sa longue nageoire anale et sa queue fourchue, sa tĂȘte petite, sa bouche peu fendue et aux lĂšvres lĂ©gĂšrement extensibles.

On ne la rencontre pas dans les eaux froides et torrentueuses. Son domaine est la riviĂšre de plaine, lente, creuse, ombragĂ©e, aux eaux calmes, aux fonds de marne ou de sable vaseux. GrĂ©gaires, elles y vivent en troupes nombreuses, cantonnĂ©es dans les fosses profondes, Ă  proximitĂ© d’obstacles naturels oĂč elles se rĂ©fugient Ă  la moindre alerte, car elles sont craintives et peureuses.

Nul poisson ne vient plus volontiers Ă  l’amorce ; nĂ©anmoins, quand on veut rĂ©ussir, il est bon de prĂ©parer Ă  l’avance deux ou trois coups choisis pour la facilitĂ© de manƓuvre des lignes.

C’est lĂ  qu’on tĂąchera d’attirer ce poisson fouilleur, Ă  l’aide de boulettes de terre de taupiniĂšre un peu grasse, dans lesquelles sont incorporĂ©s les produits prĂ©fĂ©rĂ©s, tels que : pain trempĂ©, pĂ©tri et essorĂ©, pommes de terre cuites Ă©crasĂ©es, vers coupĂ©s, grains de blĂ© ou d’orge bien cuits et crevĂ©s, vers de vase en fouillis, asticots, Ă©pines-vinettes, etc. ; la terre gagnera en attirance s’il y est mĂȘlĂ© du sang d’abattoir.

On dĂ©posera le plus silencieusement possible, chaque soir, une douzaine de boulettes de la grosseur d’une mandarine placĂ©es en deux lignes parallĂšles distantes de 2 mĂštres, environ.

C’est lĂ  qu’on viendra pĂȘcher, au matin du quatriĂšme jour, en s’approchant doucement et en prenant toutes prĂ©cautions au sujet de la visibilitĂ©.

On peut parfaitement pĂȘcher la brĂšme Ă  la coulĂ©e avec la ligne flottante ordinaire ; mais ce n’est point ainsi qu’on capturera les plus grosses. Celles-ci, trĂšs circonspectes, ne mordent guĂšre qu’aux esches immobiles sur le fond. La pĂȘche Ă  la pelote est donc tout indiquĂ©e en ce cas.

Pour pĂȘcher du bord, on emploie d’habitude une canne de 6 mĂštres en roseau ligaturĂ©, assez lĂ©gĂšre et munie d’un scion affinĂ© du bout. Le moulinet est Ă  recommander et un simple suffit.

Si la confection des pelotes d’amorce ne demande pas des soins particuliers, celle de la pelote pĂȘchante en exige davantage. La terre doit ĂȘtre grasse, onctueuse et ne contenir ni sable, ni gravier, herbes ou brindilles quelconques. Elle aura la forme et la grosseur d’un petit Ɠuf de poule et sera copieusement farcie d’asticots. Le bas de ligne qui y est cachĂ© consiste, de prĂ©fĂ©rence, en soie Ă  lancer, sans apprĂȘt, et de la plus grande finesse. Rien n’Ă©gale la souplesse d’une telle avancĂ©e, prĂ©fĂ©rable aux guts 1 ou racines. On empile, Ă  son extrĂ©mitĂ©, un hameçon arrondi, Ă  courte tige, n°9 ou 10, trĂšs piquant. À 10 centimĂštres au-dessus, pincer un plomb de chasse n°00. AppĂąter l’hameçon de trois ou quatre asticots choisis ; enfoncer le pouce dans la terre et y loger haim 2, soie repliĂ©e et plombĂ©e ; reboucher le trou et rouler la pelote sur un lit d’asticots. Voici maintenant le plus difficile : faire parvenir la pelote au milieu de celles d’amorce, sans la briser. On n’y parviendra que par un trĂšs doux balancement de la canne, sous la main, en attĂ©nuant le plus possible le choc de la boulette avec la surface liquide ; accompagner ensuite sa descente en la retenant un peu, jusqu’Ă  ce qu’une sensation d’arrĂȘt vienne vous avertir que le fond est atteint. On peut, alors, ou bien poser la canne sur un support appropriĂ©, tendre lĂ©gĂšrement le fil Ă  l’aide du moulinet et mettre le cliquet ; c’est ce que font les membres des sociĂ©tĂ©s qui pĂšchent dans leur lot avec trois lignes, qu’il ne s’agit plus que de surveiller.

Les « vieilles mains Â», les « as Â» de la pĂȘche Ă  fond prĂ©fĂšrent de beaucoup la pĂȘche « Ă  soutenir Â», qui consiste Ă  tendre lĂ©gĂšrement sa banniĂšre et Ă  garder sa canne en mains. Je n’ai pas besoin de dire que cette derniĂšre mĂ©thode est, de beaucoup, la plus passionnante. En effet, le pĂȘcheur va rester constamment ainsi en contact direct avec sa pelote par l’intermĂ©diaire du fil et demeurer seul juge du moment prĂ©cis oĂč il devra ferrer. J’ai dit que les brĂšmes venaient assez rapidement Ă  l’amorce, attirĂ©es qu’elles sont par la longue traĂźnĂ©e limoneuse qui part des boulettes et descend vers l’aval.

Elles ne tardent pas Ă  remonter vers la source de cette provende inaccoutumĂ©e et y trouvent ces sphĂšres dans un Ă©tat plus ou moins dĂ©liquescent et laissant s’Ă©chapper multitude de bonnes choses. Pourquoi dĂ©laisseraient-elles la pelote pĂȘchante, qui leur ressemble comme une sƓur et, mieux garnie de proies, est encore plus allĂ©chante ? BientĂŽt, le pĂȘcheur ressentira une sĂ©rie de petits chocs, d’abord fort discrets, puis de plus en plus nets et francs ; il importe qu’il reste absolument impassible, mais prĂȘt Ă  tout Ă©vĂ©nement.

Étant donnĂ©e la mollesse relative de la terre qui se dĂ©trempe de plus en plus, le manĂšge des assaillants ne saurait longtemps se prolonger.

Sous les chocs rĂ©pĂ©tĂ©s, la pelote s’ouvre et se sĂ©pare en fragments, laissant Ă  nu l’hameçon esche, immobile sur le sol. Quel convive affamĂ© rĂ©sisterait Ă  la vue d’une bouchĂ©e aussi appĂ©tissante ?

BientĂŽt, une brĂšme large comme un battoir — expression consacrĂ©e â€” engame l’esche succulente et, de la position oblique Ă  laquelle sa prise l’a obligĂ©e, revient aussitĂŽt Ă  l’horizontale pour l’avaler plus Ă  l’aise. De ce « relevage Â» rĂ©sulte une dĂ©tente subite du fil, et le scion, jusqu’alors lĂ©gĂšrement incurvĂ©, redevient droit pour quelques instants. Mais cela ne dure pas ; le fil se tend de nouveau avec plus de violence, et le moulinet part … c’est le classique coup tirant. AprĂšs un court relĂąchĂ©, le pĂȘcheur rĂ©pond par un coup de poignet franc, sans raideur, et voici notre brĂšme prisonniĂšre. En gĂ©nĂ©ral, mĂȘme si elle est grosse, sa dĂ©fense n’a rien de terrible et la soie Ă  lancer, sans nƓud, est solide. Il faut lui relever le nez et lui laisser faire ses Ă©volutions en pleine eau, loin des obstacles. Ensuite, l’amener progressivement ; en surface, elle va tournoyer sur elle-mĂȘme et battre l’eau de sa queue. Amenez sur l’Ă©puisette et empochez sans hĂ©sitation. À ce propos, on ne saurait trop recommander de se munir d’une Ă©puisette Ă  grande ouverture, sans quoi un corps aussi large ne pourrait y entrer. Il heurterait le cercle extĂ©rieur, et tout serait remis en question. Ne jouons pas inutilement la difficultĂ©.»

Infos source

  • Source : Le Chasseur Français N°642 AoĂ»t 1950 Page 469
  • Auteur : R PORTIER.
  • Titre : La brĂšme PĂȘche Ă  la petite pelote.
  • Rubrique : La pĂȘche
Une brĂšme
Une brĂšme

En résumé

Si la pĂȘche Ă  la pelote est aujourd’hui tombĂ©e dans l’oubli, elle rĂ©vĂšle l’ingĂ©niositĂ© des pĂȘcheurs d’hier et leur sens de l’observation. Entre science de l’amorce et patience du geste, cette mĂ©thode reflĂšte une approche sensible et respectueuse du milieu aquatique. Une belle leçon pour les passionnĂ©s d’histoire halieutique et pour tous ceux qui souhaitent enrichir leur culture pĂȘche.

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Notes :

🔎 Pour enrichir ce texte ancien, j’ai sĂ©lectionnĂ© quelques photos personnelles qui Ă©voquent l’ambiance ou les techniques dĂ©crites.

⚠ Note : certaines techniques dĂ©crites ici peuvent ĂȘtre aujourd’hui interdites ou rĂ©glementĂ©es. VĂ©rifiez toujours les lois en vigueur avant de pratiquer.

Autres ressources :

Notes :

  1. Fil de pĂȘche composĂ© de boyau sĂ©chĂ© ↩
  2. Crochet de l’hameçon ↩

Article mis à jour en 2024, publié initialement en 2008.

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