đŸ”” PĂȘche mĂ©diterranĂ©enne en 1950 : rĂ©cit vintage

J’ai retrouvĂ© cet article dans un numĂ©ro du Chasseur Français datĂ© de septembre 1950, dĂ©nichĂ© en braderie. Ce rĂ©cit d’époque illustre non seulement les mĂ©thodes de pĂȘche utilisĂ©es en MĂ©diterranĂ©e, mais aussi l’art de vivre d’un passionnĂ© qui privilĂ©giait la mer aux mondanitĂ©s estivales.


📰 Vacances en mĂ©diterranĂ©e

1950

«Cinq heures du matin. La Grande Bleue est calme. Les crĂȘtes des rochers rouges de l’EstĂ©rel flamboient dĂ©jĂ  sous le soleil levant.
Au loin, des barques de pĂȘche rallient la cĂŽte, aprĂšs une nuit passĂ©e au large des Ăźles de LĂ©rins, parages renommĂ©s pour la pĂȘche et intensĂ©ment exploitĂ©s.

Partie du port, une toute petite barque double la jetĂ©e du golfe Juan et bientĂŽt s’immobilise dans la baie tranquille, Ă  une centaine de mĂštres du rivage.

Elle est montĂ©e par un seul homme, un amateur que je connais bien et qui, venu pour quelques semaines Ă  la mer, prĂ©fĂšre les joies profondes de la pĂȘche aux flĂąneries le long des quais, aux papotages insipides de snobs dĂ©sƓuvrĂ©s, aux longues stations sur le sable brĂ»lĂ© par un soleil tropical.

Nous allons passer en revue rapidement tous les genres qu’il pratique.

CP HĂ©rault – 144 – Pavalas, sur la jetĂ©e
Carte postale ancienne HĂ©rault – 144 – Pavalas, sur la jetĂ©e

L’oursin.

— Comme matĂ©riel, notre pĂȘcheur n’a qu’une longue gaule de bambou, dont une extrĂ©mitĂ© est fendue en trois parties, sur une longueur de 10 centimĂštres environ, lesquelles seront maintenant lĂ©gĂšrement ouvertes par un bouchon enfoncĂ© Ă  l’intĂ©rieur et ligaturĂ© Ă  l’extĂ©rieur sur le bambou pour le maintenir en place et limiter ainsi l’ouverture.

Une petite bouteille d’huile dans laquelle trempe une branchette feuillue lui servira Ă  asperger la surface de la mer, pour en calmer instantanĂ©ment les moindres rides pouvant voiler le fond ; celui-ci apparaĂźtra alors trĂšs nettement â€Š avec un peu d’habitude.

L’oursin Ă©tant repĂ©rĂ©, il le coiffera avec son bambou dont les branches s’Ă©carteront et le maintiendront suffisamment pour qu’il puisse ĂȘtre enlevĂ©.

La rĂ©colte patiente sera fructueuse dans les bons coins qui seront vite connus, mais il lui faudra se rappeler les lois de la rĂ©fraction qui « dĂ©place Â» visuellement tout objet dans l’eau.

La pieuvre.

— Parfois notre pĂȘcheur surprendra une pieuvre Ă  l’affĂ»t ou en promenade.

Il aura donc, dans sa barque, un rouleau de cordelette (ou un long bambou) terminĂ© Ă  une extrĂ©mitĂ© par un gros plomb, armĂ© de forts crochets recouverts par des feuilles d’olivier ou des lambeaux de chiffon rouge.

Il descendra ce leurre devant le cĂ©phalopode carnassier, le dandinera, et, lorsque la grosse araignĂ©e l’aura enlacĂ© de ses tentacules, un coup sec l’amarrera solidement ; il ne restera plus qu’Ă  hĂąler la capture et la placer dans un casier fixĂ© au bateau ou dans un sac Ă  grande ouverture.

Alors, seulement, il la dĂ©crochera ; au cas oĂč il prĂ©fĂ©rerait l’emporter morte, il aura le choix entre un coup de dents pour lui
couper la tĂȘte et le retournement du capuchon.

J’avoue, bien vite, prĂ©fĂ©rer le deuxiĂšme procĂ©dĂ©.

PĂȘche au boulantin.

— Ce n’est pas un poisson, mais une ligne, sans canne. Sur un plioir sont enroulĂ©s 40 Ă  50 mĂštres de cordelette assez fine, en lin de prĂ©fĂ©rence ; Ă  une extrĂ©mitĂ© est fixĂ© un bas de ligne en nylon ou en gut de 20 Ă  25 centiĂšmes ; tous les 50 centimĂštres (dimension approximative) est placĂ© un hameçon frappĂ© sur un avançon de 7 Ă  8 centimĂštres.

Il en placera ainsi plusieurs.

Ces avançons peuvent ĂȘtre fixĂ©s chacun sur un lĂ©ger clipot en mĂ©tal pour les maintenir Ă©cartĂ©s du bas de ligne.

Un gros plomb, en bout, lestera l’ensemble.

Comme amorces, des petits vers rouges qu’il cueillera aisĂ©ment dans le sable de la plage, au ras de la frange d’Ă©cume.

Notre pĂȘcheur descendra sa ligne, de plus en plus profond, jusqu’Ă  ce qu’il sente une touche : un coup de poignet et le poisson est pris.

S’il est gros, il le remontera de suite ; sinon, il attendra d’en avoir plusieurs Ă  son boulantin.

Une poignĂ©e d’amorce jetĂ©e de temps en temps attirera et maintiendra, sur place, les convives ; elle sera composĂ©e de tĂȘtes de
poissons écrasées, de mie de pain dur broyée, etc.

BientĂŽt, les « girelles Â» royales s’entasseront dans son panier, car on ne revient pas bredouille au boulantin.

PĂ©chant ainsi prĂšs du fond, il peut s’attendre Ă  de belles surprises, en mer tous les espoirs Ă©tant permis.

L’hameçon le plus prĂšs du plomb sera souvent garni, avec raison, d’une piade, nom provençal du « bernard-l’ermite Â», esche
merveilleuse dont les poissons sont friands.

De la mĂȘme façon, il pĂ©chera le congre et la pieuvre sur les grands fonds rocheux, avec la ligne traĂźnant Ă  fond.

Il sera bien gĂȘnĂ©, alors, par le crabe, cette vermine de la mer qui nettoie un hameçon fort proprement en une seconde. Aussi vaut-il mieux pĂȘcher lĂ©gĂšrement au-dessus du fond.

Toutes ces pĂȘches en bateau ne sont pas Ă  la portĂ©e de tout villĂ©giateur ; il faut louer une barque et, Ă  moins qu’il ne connaisse un professionnel qui consente Ă  l’emmener avec lui, son portefeuille va, Ă  l’heure actuelle, connaĂźtre de pĂ©nibles saignĂ©es.

Mais quiconque peut cependant se distraire sans frais, du bord, sans quitter la cĂŽte.

Il pĂȘchera donc, de bon matin, les jours de houle, dans l’Ă©cume du bord, contre le rocher, le bar ou loup, la roussette, au lancer.
Bien que le premier nommĂ© soit devenu de plus en plus rare, il peut s’attendre Ă  de belles prises. Le cap d’Antibes est renommĂ© pour cette pĂȘche.

Et puis, s’il craint la fatigue, il ira s’installer sur un roc, ou sur la pointe d’une jetĂ©e, et pĂȘchera comme en riviĂšre les « roquiers Â»
aux vives couleurs, de toutes sortes, sur tous les rochers immergés.

Gare aux hameçons ; ils ont une tendance particuliĂšre Ă  s’accrocher dans les rocs spongieux, trouĂ©s en tous sens ; aussi
pourra-t-il employer des hameçons protégés comme je les ai décrits précédemment ici.

Le ver marin, la piade, le mouredu 1 (esche trĂšs chĂšre) seront ses appĂąts favoris.

Tous, petits et grands, dames et messieurs peuvent pĂȘcher ainsi dans les ports ou sur les digues.

À l’embouchure de tout cours d’eau abondent les anguilles ; un petit poisson, un lamprillon, une grosse piade, une
languette de viande seront des esches tentatrices.

Et enfin, car je suis dans l’obligation d’ĂȘtre bref, les amateurs du tambour fixe pourront projeter au large, sur les bancs de sable, un mouredu irrĂ©sistible et, plantant leur canne dans le sable, attendre la touche d’une dorade, d’une pasquenade, ou tout autre poisson de taille et de choix.

Un de mes amis, pĂ©chant prĂšs de moi, Ă  proximitĂ© de l’embarcadĂšre Juan-les-Pins, a sorti, aprĂšs une lutte mouvementĂ©e, une pasquenade (raie) de 8 kilogrammes sur un nylon de 25 centiĂšmes.»

Infos source

  • Source : Le Chasseur Français N°643 Septembre 1950 Page 538
  • Auteur : Marcel LAPOURRÉ, DĂ©lĂ©guĂ© du Fishing-Club de France.
  • Titre : Vacances en mĂ©diterranĂ©e

En résumé

Cet extrait Ă©mouvant tĂ©moigne d’un amour profond pour la pĂȘche et la mer. Il nous rappelle que, mĂȘme avec du matĂ©riel simple et une barque modeste, les joies de la pĂȘche rĂ©sident dans l’authenticitĂ©, la patience et le lien intime avec la nature. Une source d’inspiration pour tout pĂȘcheur, d’hier comme d’aujourd’hui.

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Notes

📌 Les images illustrant cet article (carte postale ancienne, photo personnelle) ont Ă©tĂ© ajoutĂ©es par mes soins. Le texte original n’en contenait pas.

⚠ Note : certaines techniques dĂ©crites ici peuvent ĂȘtre aujourd’hui interdites ou rĂ©glementĂ©es. VĂ©rifiez toujours les lois en vigueur avant de pratiquer.

  1. Gros ver (Leodice provincialis) Ă  tĂȘte ferme (d’oĂč son nom provençal mourre-du, mourre-dur, ou mourron), de mourre, visage, et du, dur) dont la longueur peut atteindre trente centimĂštres et dont les poissons sont particuliĂšrement friands. Certains escaveniers utilisaient un Ă©norme rĂąteau aux dents trĂšs longues qu’ils enfonçaient dans les mates estimĂ©es favorables en arrachant de lourds fragments d’algues et de vase qu’il fallait monter Ă  bord, farfouiller patiemment dans l’espoir de dĂ©couvrir un mouredu. (cf. bibi, escavĂšne, esque, mouron).Glossaire des termes provençaux  (jcautran.free.fr) ↩

Article publié initialement en 2009.

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