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L’esturgeon européen : Acipenser sturio vs baeri

L’esturgeon européen est une espèce de poisson migrateur qui vit en mer et se reproduit en eau douce. Il est menacé d’extinction en France et dans le monde à cause de la surpêche, de la destruction de son habitat et de sa faible reproduction.

Esturgeon européen
Esturgeon européen

Les origines de l’esturgeon européen et son habitat

L’esturgeon européen (Acipenser sturio) est une espèce de poisson qui appartient à la famille des Acipenseridés. Il est considéré comme le plus ancien vertébré vivant en Europe, puisqu’il existe depuis environ 200 millions d’années. Il est aussi l’un des plus grands poissons d’eau douce, pouvant atteindre 6 mètres de long et peser plus de 400 kg. Il vit principalement dans les estuaires et les zones côtières de l’Atlantique, de la mer du Nord et de la mer Baltique, mais il remonte parfois les fleuves pour se reproduire. Il se nourrit de crustacés, de mollusques et de petits poissons.

Une disparition presque programmée

Jusqu’au XIXème siècle, l’esturgeon fréquentait la Seine et la Loire.
R. Poplin, alors vice-président de la Fédération des associations de pêche et de pisciculture de l’Yonne, fait paraître en 1952 dans le « Bulletin français de pisciculture » une étude sur les peuplements de poissons de l’Yonne moyenne. Il indique que les poissons migrateurs (esturgeon, alose et alose feinte, saumon) ont disparu entre le milieu du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Il attribue ce fait à la construction et aux rehausses des barrages sur la Seine et l’Yonne.1
La dernière capture documentée aux environs de Paris remonte à 1856 (Boisset 2).

Dès 1881, Moreau 3 signale les premiers signes de la raréfaction de l’espèce, du fait de la pêche, écrivant au sujet du Rhône qu’ « avant l’établissement des bateaux à vapeur, il s’en prenait beaucoup même de fort gros; maintenant ils sont plus rares».

Jusqu’à la moitié du XXème siècle, l’esturgeon était pêché dans le bassin de la Garonne et de l’Adour notamment pour la production de Caviar. En 1948, Boisset signale 300 tonnes par an sur la Garonne.

Depuis, l’esturgeon a disparu de la Seine, de la Loire, du Rhône, ne subsistant plus qu’en Gironde où sa survie était menacée : les captures annuelles moyennes de
79 de 1948 à 1950 tombent à 13 de 1951 à 1957, puis à 2 en 1958 et 1960 (Letaconnoux 4).
Devant les risques de disparition de l’espèce, un arrêté d’interdiction de pêche de l’esturgeon a été pris en 1982 (Quéro & Vayne 5).

De nos jours, l’Esturgeon n’est plus présent que dans le bassin Garonne-Dordogne.
Cette espèce est classée en danger critique d’extinction 6.

Pêche de l'esturgeon dans les années 50-60 . Image YouTube
Pêche de l’esturgeon dans les années 50-60 .
– Image colorisée (Screenshot YouTube)

Vers une réintroduction de l’espèce

Depuis les années 1990, des programmes de recherche et de conservation sont menés par l’INRAE, MIGADO et d’autres partenaires, avec le soutien des pouvoirs publics. Ils consistent à capturer des spécimens sauvages afin de réaliser des essais de reproduction assistée.
En 2022, après 15 ans d’effort et pour la première fois, une reproduction assistée a en outre pu être réalisée avec les individus nés en captivité en 2007 7.

Réintroduction de l'esturgeon européen : une station d'expérimentation unique

Réintroduction de l’esturgeon européen : une station d’expérimentation unique / IrsteaTV
Oct. 2017 – Dans la région de Bordeaux, à Saint-Seurin-sur-l’Isle exactement, les chercheurs d’Irstea ont décidé de relever le défi de la réintroduction de l’esturgeon européen, espèce en danger d’extinction.


Description de l’esturgeon européen (Acipenser sturio)

Acipenser sturio (Linné, 1758)
Famille des Acipenseridés

L’esturgeon européen est le plus grand poisson migrateur anadrome de France, qui se reproduit en eau douce mais vit en mer.
Le corps, allongé, est recouvert de 5 rangées longitudinales de plaques osseuses (scutelles), le squelette n’est que partiellement ossifié. Le dos est gris cendré à gris brun avec des reflets verts, le ventre est jaunâtre avec des reflets argentés.
Son museau est pointu, la bouche se présente comme un tube protractile, elle est précédée de 4 barbillons. La nageoire caudale est hétérocerque.

Taille : jusqu’à 3,5 m. (mâles plus grands que les femelles)
Poids : 2,5 kg à 170 kg.

Acipenser sturio. -Illustrations de Ichtyologie ou histoire naturelle générale et particulière des Poissons Bloch, Marcus Elieser, J. F. Hennig, Plumier, Krüger, Pater, Schmidt, Ludwig, Bodenehr, Moritz 1795-1797
Acipenser sturio. -Illustrations de Ichtyologie ou histoire naturelle générale et particulière des Poissons Bloch, Marcus Elieser, J. F. Hennig, Plumier, Krüger, Pater, Schmidt, Ludwig, Bodenehr, Moritz 1795-1797

Reproduction de l’esturgeon européen

L’esturgeon est un poisson amphihalin (1) potamotoque (2) qui fréquente les eaux littorales.

La reproduction a lieu de mai à juillet dans le cours moyen des fleuves sur fond de graviers. Les adultes qui vivent dans les eaux littorales commencent à remonter les fleuves en avril. Les œufs (10000/kg de femelle) incubent durant 3 à 7 jours selon la température de l’eau.
Les juvéniles vivent en estuaire et en mer.

(1) qui peut vivre dans des eaux douces ou salées.
(2)  qui remontent les fleuves.

Décimé pour son caviar, ce poisson géant bientôt sauvé en France ?

Déc. 2023 – Décimé pour son caviar, ce poisson géant bientôt sauvé en France ? / Brut
Il avait quasiment disparu dans les années 1970, mais grâce à l’interdiction de sa pêche, le plus grand poisson migrateur d’Europe est de retour. Pour Brut, Florian Thomas a embarqué en Gironde à bord d’un bateau de l’INRAE à la recherche de l’esturgeon européen.

Vous avez dit caviar ?

Les œufs non fécondés des femelles matures sont, après un traitement minimal, transformés en caviar.
Selon l’espèce d’esturgeon, les œufs sont classés en fonction de leur couleur, de leur taille et de leur goût. Les œufs sont ensuite salés. L’appellation « Malossol » sur l’étiquette, qui signifie « petit sel », est devenue synonyme d’un produit de haute qualité.

La France est le 3e pays producteur de caviar au monde 8, avec un peu plus de 20 tonnes produites par an.


Pêche de Loisirs : esturgeon de Sibérie

Acipenser baeri (Linné, 1758)
Famille des Acipenseridés

L’espèce d’esturgeon élevée en France (Acipenser baeri communément appelé esturgeon de Sibérie) se développe sur des sites en eau douce. Elle a été introduite en France dans plusieurs piscicultures à la fin des années 80 à des fins scientifiques. Cette espèce est menacée sur la liste rouge mondiale de l’IUCN.

Il s’acclimate parfaitement en bassin d’ornement ou étang de loisir. Le baeri supporte les eaux relativement chaudes (20°C) et quand les températures baissent, il se met en hibernation et peut ainsi traverser des hivers rigoureux sans dommages. Cette espèce peut atteindre une taille maximale de deux mètres dans son milieu d’origine, pour un poids atteignant 100 kg mais il n’a rien à voir avec l’esturgeon européen.

Acipenser baerii - Scandinavian Fishing Year Book
Acipenser baerii – Scandinavian Fishing Year Book

De nombreux plans d’eau privés, en no-kill, introduisent ce poisson afin de proposer aux pêcheurs un poisson de sport qui n’hésite pas à exécuter des sauts hors de l’eau et procure un combat sans pareil.
On pêche l’esturgeon comme la carpe.
Appâts: pellets ou micro-bouillettes à base d’huile de poisson, ver de terre.

Esturgeon, 2010 étang de Wambrechies (Nord)
Esturgeon, 2010 étang de Wambrechies (Nord)

Annexe : L’esturgeon et sa pêche (en 1947)

Voici un article du Chasseur Français de 1947 qui décrit les caractéristiques, le mode de vie et la capture de l’esturgeon commun, un gros poisson qui remonte les fleuves pour frayer. L’article mentionne aussi le hausen, le sterlet et l’esturgeon étoilé, qui vivent dans la mer Noire, la Caspienne et les fleuves russes, et qui sont utilisés pour le caviar et la colle de poisson. Enfin, l’auteur explique que l’esturgeon est peu répandu dans nos cours d’eau à cause des barrages qui l’empêchent de trouver de bonnes frayères, et des poissons voraces qui détruisent son frai.

1940-1949

«Deux correspondants lyonnais m’ont écrit récemment au sujet de l’esturgeon : le premier, pour me faire part de la présence d’adultes de cette espèce un peu en aval du confluent du Rhône et de la Saône, endroit où il a vu sa très forte ligne à gros barbeaux brisée net par un esturgeon d’assez grande taille ; le second, pour me signaler la capture d’un petit esturgeon de 0,18 m de longueur, en péchant la blanchaille dans la Saône, aux environs de L’Ile-Barbe.

Ces deux communications fort intéressantes, qui nous prouvent que ces poissons n’ont pas complètement abandonné nos grands cours d’eau, m’incitent à parler aujourd’hui de l’esturgeon, assez peu connu de nos pêcheurs à la ligne.

L’espèce qui nous visite est l’esturgeon commun (Acipenser sturio) de l’ordre des Ganoïdes et de la famille des Acipenséridés. C’est certainement le plus gros poisson que nous puissions rencontrer dans nos rivières.

Common Sturgeon, Acipenser Sturio - https://digitalcollections.nypl.org/
L’esturgeon commun (Acipenser sturio) – digitalcollections.nypl.org

Comme formes générales, il rappelle passablement les requins (squales). Comme eux, il a le corps allongé, fusiforme, a queue inégale, comportant un épais tronçon supérieur et une partie inférieure plus courte. Le museau, assez long, finit en pointe arrondie. La bouche, petite comparée à la grandeur de l’animal, est située complètement en dessous de ce museau et garnie, en guise de dents, de cartilages assez durs ; entre la bouche et l’extrémité du museau existent quatre barbillons longs et déliés. Les branchies sont grandes ; l’opercule peut se fermer hermétiquement, empêcher leur dessiccation rapide et permettre à l’esturgeon de vivre assez longtemps hors de l’eau. Mais ce qui le distingue de tous les autres poissons, c’est la présence, sur son corps, de cinq rangées plus ou moins parallèles d’écussons ou boucliers épineux et durs, courant de la tête à la queue, et qui donnent à ce corps l’aspect d’un prisme à cinq faces. La couleur de l’esturgeon est noirâtre sur le dos ; ses flancs sont grisâtres, parsemés de taches sombres ; le ventre est d’un gris jaunâtre assez clair.

Cet énorme cartilagineux peut dépasser trois mètres de long et accuser un poids en conséquence.

C’est, comme le saumon, un poisson qui, au printemps, remonte de la mer, pénètre dans nos fleuves pour y déposer son frai, puis redescend ensuite par étapes vers l’eau salée.
Les petits esturgeons grandissent vite et quittent nos eaux à peu près en même temps que les anguilles, pour regagner la mer.

En eau salée, l’esturgeon adulte se nourrit surtout de poissons de taille réduite : harengs, sardines, sprats, éperlans, athérines, etc.
Il fonce à grande vitesse au milieu de leurs bandes pressées, et la terreur qu’inspire sa grande taille à ces poissons grégaires engendre le désordre, dont profite le vorace.

En eau douce, occupé surtout par son frai, il mange moins. Cependant, il fait une certaine destruction de petits poissons de fond : anguillettes, lamproyons, petits barbillons, goujons … Il est aussi un grand nettoyeur de rivières, et il n’est guère de détritus animaux ou végétaux dont il ne profite ; il est donc fort utile à cet égard.

L’Acipenser sturio qui nous visite n’est pas le seul esturgeon à peupler les mers d’Europe. Le hausen (Acipenser huso), qui lui ressemble beaucoup, se rencontre surtout dans la mer Noire et la Caspienne. C’est lui qui remonte le Danube et plusieurs des immenses fleuves russes. Il atteint, dit-on, plus de 6 mètres de long et un poids supérieur à 500 kilos.»

Le hausen (Acipenser Huso) - digitalcollections.nypl.org
Le hausen (Acipenser Huso) – digitalcollections.nypl.org

«Ses œufs, en nombre considérable, servent à la confection du fameux « caviar », et sa vessie natatoire est employée à faire l’ichtyocolle, ou colle de poisson, à usages commerciaux multiples.

Deux autres espèces d’esturgeons, beaucoup plus petits, vivent aussi dans plusieurs des cours d’eau dont nous venons de parler : le sterlet a le dos noirâtre et le ventre blanc, taché de rose, et n’atteint guère plus d’un mètre de longueur ; l’esturgeon étoilé, d’une taille analogue, a le dos noir, les flancs constellés de taches blanches et le ventre d’un blanc pur.»

Le Sterlet1 ou esturgeon du Danube (Acipenser ruthenus) - https://digitalcollections.nypl.org/
Le Sterlet ou esturgeon du Danube (Acipenser ruthenus) – digitalcollections.nypl.org

«On dit ces deux espèces de chair très fine, bien supérieure à celle des grands esturgeons.

Avant de recevoir les deux communications relatées ci-dessus, je n’avais jamais entendu dire qu’un esturgeon ait été capturé à la ligne. La chose paraît cependant fort possible, tout au moins pour ceux de poids modéré. En amorçant au vif une très forte ligne plombée, car l’esturgeon ne doit mordre que sur le fond, comme le barbeau, et en la rattachant à une de ces cannes ultra-robustes employées à la pêche des gros poissons de mer, on pourrait, il me semble, s’en rendre maître. Il ne paraît pas plus ardu d’amener un esturgeon de quarante livres qu’un maigre, une grosse morue, un gros congre, voire une « roussette » de poids équivalent.

Quant aux esturgeons de trois mètres de long, laissons-les aux grands filets des pêcheurs professionnels.

Il est dommage que l’esturgeon ne soit pas plus répandu dans nos fleuves et leurs grands affluents, car il serait d’un précieux appoint pour l’alimentation populaire, à notre époque de pénurie.

Sa rareté ne tient pas au nombre de ses œufs, qui est considérable, mais bien à la présence de barrages qu’il ne peut franchir pour trouver de bons lieux de frai, et surtout à la destruction énorme de ce frai, du fait de poissons voraces comme les anguilles, qui peuplent les fonds vaseux voisins des meilleures frayères. S’il peut être paré, dans une certaine mesure, au premier obstacle, comment remédier au second, le plus important certainement ? Je n’aperçois guère le moyen !»

– R. PORTIER. Le Chasseur Français N°616 Octobre 1947 Page 576


En résumé

L’esturgeon européen est une espèce très menacée, classée en danger critique d’extinction; la pêche et la vente sont interdites en France par l’arrêté interministériel du 25 janvier 1982. Il fait depuis 2007, en France, l’objet d’un plan de réintroductions d’alevins. Une autre espèce, l’esturgeon de Sibérie, fait la joie des pêcheurs de loisirs. Cette espèce est élevée dans différentes piscicultures mais elle est inscrite, dans son milieu naturel, sur la liste rouge mondiale de l’IUCN.

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Références

  1. Les poissons de l’Yonne moyenne en 1952, avant les pollutions mais après les barrages (www.hydrauxois.org).  ↩︎
  2. BOISSET L. 1948. Poissons des rivières de France. Librairie des Champs-Elysées éditions, Paris.  ↩︎
  3. MOREAU E., 1881.- Histoire naturelle des poissons de la France. Paris, 3 vol.  ↩︎
  4. Robert LETACONNOUX, 1961.- Fréquence et distribution des captures d’esturgeons dans le golfe de Gascogne  ↩︎
  5. J.-C. QUÉRO.- Annales de la Société des Sciences naturelles de la Charente-Maritime  ↩︎
  6. Liste Rouge en France (inpn.mnhn.fr)  ↩︎
  7. Communiqué de presse INRAE oct.2022  ↩︎
  8. La pisciculture d’étang (agriculture.gouv.fr)  ↩︎

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Publication initiale en 2009. Dernière mise à jour en mars 2024.

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