Depuis que le premier homme a eu lâidĂ©e dâextraire de lâonde un de ses habitants, Ă lâaide dâun fil et dâun hameçon, il a, trĂšs probablement, utilisĂ© le ver de terre (lumbricus) comme appĂąt, dâabord parce quâil est acceptĂ© avec empressement par tous les poissons, ensuite parce quâil est trĂšs facile de se le procurer. Un texte Ă©crit en 1949 toujours d’actualitĂ©.
đ° PĂȘches au ver de terre
«Depuis que le premier homme a eu lâidĂ©e dâextraire de lâonde un de ses habitants, Ă lâaide dâun fil et dâun hameçon, il a, trĂšs probablement, utilisĂ© le ver de terre (lumbricus) comme appĂąt, dâabord parce quâil est acceptĂ© avec empressement par tous les poissons, ensuite parce quâil est trĂšs facile de se le procurer.
Pourquoi le poisson, quel quâil soit, est-il si friand de cet annĂ©lidĂ© qui ne vit pas, comme les larves aquatiques, dans le lit de la riviĂšre ?
Les eaux rapides rongeant les berges des ruisseaux, des riviĂšres, des rigoles de prĂ©s mĂȘme, entraĂźnent avec elles, parmi toutes sortes de dĂ©bris, de la terre et des mottes, les vers qui y sĂ©journaient ; dans les prĂ©s et par eaux fortes, lors dâun orage subit par exemple, ils sont amenĂ©s vers le cours dâeau et câest par centaines quâils filent au courant, en bordure principalement.
Le poisson prend lâhabitude, peut-ĂȘtre aussi par atavisme, dâun tel Ă©tat de choses ; il fait bombance les jours de crue, et vous pouvez ĂȘtre certains quâen promenant un beau ver de terre le long des bords, par eau trouble, vous ne reviendrez pas bredouilles.
Câest lâappĂąt par excellence pour la truite ; tous les campagnards, amateurs ou professionnels, lâemploient exclusivement.

Jâai dĂ©butĂ© ainsi dans les torrents de la Haute-Loire, et je nâĂ©tais encore quâun gamin de douze ans que jâavais dĂ©jĂ Ă mon actif quantitĂ© de belles truites.
Jâavoue quâaujourdâhui jâai complĂštement dĂ©laissĂ© le ver pour la mouche artificielle, le vairon mort et une petite cuiller de mon invention. Mais ne croyez pas que la truite seule soit susceptible dâĂȘtre capturĂ©e au ver ; je rĂ©pĂšte ; tous les poissons, depuis le goujon jusquâau saumon, lui font un sort quand ils le recontrent.
Ă mon avis, nous pouvons citer, dans lâordre, nos futures victimes : la truite, lâanguille, la perche, la tanche, la brĂšme, le chevesne, le barbeau, la carpe, le brochet … et jâen passe.
Ăvidemment, la question de grosseur de lâappĂąt jouera nĂ©cessairement ; le lombric nâaura pas la mĂȘme dimension pour pĂȘcher le goujon ou le saumon, lequel nâaccepte dâailleurs que le paquet de gros vers. Mais nous reparlerons de tout cela plus tard.
En gĂ©nĂ©ral, le procĂ©dĂ© de pĂȘche au ver appliquĂ© Ă une espĂšce de poissons peut, Ă la rigueur, servir pour dâautres, mais il sera bon de signaler quelques cas spĂ©ciaux ; nous nây manquerons pas.
Je disais plus haut que la grosseur et la longueur, consĂ©quemment, du ver variaient avec le poisson recherchĂ© ; nous indiquerons, sans en faire une rĂšgle immuable, les dimensions suivantes : 2 Ă 3 centimĂštres pour le goujon, la brĂšme, la tanche, 5 Ă 6 centimĂštres pour la truite, la perche, le chevesne, 7 Ă 8 centimĂštres, ou plus, pour les grosses espĂšces : anguille, carpe, barbeau, saumon, brochet ; ce qui ne veut pas dire quâavec un petit ver vous ne capturerez que du fretin : la surprise nâen sera que plus agrĂ©able.
Dimension du vert | Poissons |
---|---|
2 Ă 3 centimĂštres | goujon,brĂšme, tanche |
5 Ă 6 centimĂštres | truite, perche, chevesne |
7 Ă 8 centimĂštres ou plus | anguille, carpe, barbeau, saumon, brochet |
Nous pouvons aisĂ©ment nous procurer une grosse quantitĂ© de vers sans avoir quoi que ce soit Ă notre disposition : recherchons un prĂ© en contre-bas, frais, sans ĂȘtre inondĂ© cependant, et nous piĂ©tinerons vivement le sol Ă la mĂȘme place. Nous ne tarderons pas Ă voir glisser entre les brins dâherbe et fuir rapidement des lombrics de toutes dimensions, tout autour de nous : ce remue-mĂ©nage leur a fait croire Ă lâarrivĂ©e dâune taupe, leur mortelle ennemie, creusant ses galeries dans le voisinage. Vous nâaurez quâĂ cueillir ceux qui vous conviennent.

Quand la sortie se ralentit, changez de place et recommencez votre danse, jusquâĂ ce que votre boĂźte soit pleine.
Un autre moyen aussi simple : enfoncez assez profondément dans le pré une barre de fer ou de bois solide et secouez-la fortement en tous sens sans la sortir de terre : le résultat sera aussi excellent.
De vieux sacs mouillĂ©s abritent Ă©galement de nombreux vers Ă la belle saison ; la nuit, par temps humide, on fait une ample provision dans les terrains nouvellement travaillĂ©s, mais … en sâaidant dâune lanterne.
Il nous faut des vers pendant les mois froids ou au dĂ©but du printemps, et on nâen peut trouver Ă cette Ă©poque dans la terre.
Aussi, pendant lâĂ©tĂ©, nous en constituerons une rĂ©serve que nous conserverons Ă la cave, dans lâobscuritĂ© et Ă lâabri du froid.
Nous emploierons un vieux baquet en bois, contenant une couche de terre de taupiniĂšre, sans cailloux, puis une couche de mousse, une couche de dĂ©bris de vieux sacs pourris et ainsi de suite jusquâen haut. Couvrez le baquet avec une toile, car les vers sortiraient. VĂ©rifiez de temps en temps lâĂ©tat de santĂ© de vos pensionnaires et enlevez les morts, qui contamineraient les autres.
En prĂ©vision dâune partie de pĂȘche, placez-en quelques-uns, plusieurs jours Ă lâavance, dans une boĂźte quelconque, mais pas en fer-blanc surtout, elle rouillerait, Ă demi remplie de mousse ou de marc de cafĂ©. LĂ , les vers se videront, durciront et deviendront fermes comme du caoutchouc ; ils tiendront solidement Ă lâhameçon, vivront plus longtemps et resteront, de ce fait, plus attirants.
Il y a une certaine façon de monter lâhameçon pour pĂȘcher Ă lâaide dâun ver moyen : vous placez le long de la hampe, sans palette, deux ou trois morceaux de poils de brosse, que vous laisserez dĂ©passer de 2 ou 3 millimĂštres hors de la ligature, car le montage sera celui dit « Ă lâanglaise », câest-Ă -dire en ligaturant le crin sur lâhameçon avec de la soie fine poissĂ©e, puis vernie ensuite (voir fig. 1).
Le ver ne pourra ainsi plus redescendre sur la courbure de lâhameçon, oĂč il se tasserait et deviendrait inopĂ©rant.
Un autre procĂ©dĂ© employĂ© pour les gros vers consiste Ă placer en haut de la hampe, toujours avec le montage « Ă lâanglaise », un petit hameçon qui accrochera la tĂȘte de lâappĂąt et le maintiendra en bonne place (voir fig. 2).
Enfin, la monture dite « Steward », du nom de lâinventeur anglais qui lâa conçue, sâemploie dans la pĂȘche en plein courant ; elle se compose dâun crin assez fort, terminĂ© dâun cĂŽtĂ© par une boucle pour fixer au bas de ligne, et sur lequel sont finement ligaturĂ©s avec de la soie rouge trois hameçons superposĂ©s dans le mĂȘme plan, mais en quinconce, pourrais-je dire ; celui du haut en no 12, celui du milieu en no 10, et celui du bas en no 8 (voir fig. 3).

Vous accrochez le ver Ă lâhameçon du fond et le faites remonter sur la hampe, puis vous le tournez autour du crin et le fixez Ă lâhameçon du milieu, le tournez encore en spirale et finalement lâaccrochez par la tĂȘte Ă lâhameçon du haut.
VoilĂ pour les montures principales, car il yen a bien dâautres Ă la disposition des « bricoleurs » et chacun peut concevoir un montage bien personnel, en lequel il a confiance. En matiĂšre de pĂȘche, comme en toute autre chose, la confiance est la premiĂšre garantie du succĂšs.
La plupart des pĂȘcheurs au ver plombent leur bas de ligne Ă 20 ou 30 centimĂštres de lâhameçon par un ou plusieurs plombs fendus ; ce plombage rĂ©ussit assez bien en eau trouble, mais, en eau claire, le poisson se mĂ©fie, et mĂȘme parfois attaque la plombĂ©e, selon son humeur du moment.
En outre, ces plombs se coincent sous les pierres, immobilisant toute lâavancĂ©e.
Je conseille de ne mettre quâun seul grain, juste en tĂȘte de lâhameçon ; il paraĂźtra ĂȘtre la continuation du ver. Poussant la minutie jusquâĂ lâexagĂ©ration â peut-ĂȘtre, â je coloriais ce plomb en rouge foncĂ©, couleur de lâappĂąt.
Il nây a ainsi plus quâun seul point dâattraction : le ver, et moins de risques dâaccrochage.
Jâai gardĂ©, pour la fin de cette causerie, la description dâune monture mixte, excellente pour la perche, mais fort meurtriĂšre aussi pour tous les poissons chasseurs : câest une des trois dessinĂ©es plus haut, avec, en plus, une hĂ©lice minuscule en fer-blanc, placĂ©e en tĂȘte (fig. 4).
Elle sâemploie dans les courants en pĂȘchant Ă la descente, par des relĂąchĂ©s successifs, afin dâassurer Ă lâhĂ©lice une rotation rapide et continuelle. La perche est irrĂ©sistiblement attirĂ©e par ce leurre.
En eau calme, il faut rĂ©cupĂ©rer aprĂšs un lancer. Avec un moulinet Ă tambour fixe, on rĂ©ussit des pĂȘches magnifiques, avec un ver « Ă hĂ©lice ». Cependant, comme tout lancer, mĂȘme Ă cadence ralentie, dĂ©tĂ©riore rapidement le ver ; que, dâautre part, la rĂ©cupĂ©ration donne vie et mouvement Ă lâappĂąt et que, enfin, lâhĂ©lice augmente le pouvoir attractif, il nây a aucun inconvĂ©nient Ă remplacer le ver naturel par son sosie en caoutchouc, fait avec un bout de tuyau de vaporisateur.
Nous verrons, le mois prochain, au bord de la riviÚre, comment utiliser efficacement ces diverses montures.»
Infos source
- Source : Le Chasseur Français N°625 Mars 1949 Page 353
- Auteur : Marcel LAPOURRĂ.
- Titre : PĂȘches au ver de terre
- Rubrique : La pĂȘche
En résumé
Plus quâun simple appĂąt, le ver de terre est un compagnon fidĂšle du pĂȘcheur. Bien montĂ©, bien prĂ©sentĂ© et bien conservĂ©, il continue, malgrĂ© les modes, Ă faire la diffĂ©rence au bord de lâeau.
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Notes :
đ Pour enrichir ce texte ancien, jâai sĂ©lectionnĂ© quelques images dâĂ©poque et photos personnelles qui Ă©voquent lâambiance ou les techniques dĂ©crites.
â ïž Note : certaines techniques dĂ©crites ici peuvent ĂȘtre aujourdâhui interdites ou rĂ©glementĂ©es. VĂ©rifiez toujours les lois en vigueur avant de pratiquer.
Article publié initialement en 2019.