🟱 PĂȘcher avec des vers : astuces & montages (1949)

Depuis que le premier homme a eu l’idĂ©e d’extraire de l’onde un de ses habitants, Ă  l’aide d’un fil et d’un hameçon, il a, trĂšs probablement, utilisĂ© le ver de terre (lumbricus) comme appĂąt, d’abord parce qu’il est acceptĂ© avec empressement par tous les poissons, ensuite parce qu’il est trĂšs facile de se le procurer. Un texte Ă©crit en 1949 toujours d’actualitĂ©.

📰 PĂȘches au ver de terre

1940-1949

«Depuis que le premier homme a eu l’idĂ©e d’extraire de l’onde un de ses habitants, Ă  l’aide d’un fil et d’un hameçon, il a, trĂšs probablement, utilisĂ© le ver de terre (lumbricus) comme appĂąt, d’abord parce qu’il est acceptĂ© avec empressement par tous les poissons, ensuite parce qu’il est trĂšs facile de se le procurer.

Pourquoi le poisson, quel qu’il soit, est-il si friand de cet annĂ©lidĂ© qui ne vit pas, comme les larves aquatiques, dans le lit de la riviĂšre ?

Les eaux rapides rongeant les berges des ruisseaux, des riviĂšres, des rigoles de prĂ©s mĂȘme, entraĂźnent avec elles, parmi toutes sortes de dĂ©bris, de la terre et des mottes, les vers qui y sĂ©journaient ; dans les prĂ©s et par eaux fortes, lors d’un orage subit par exemple, ils sont amenĂ©s vers le cours d’eau et c’est par centaines qu’ils filent au courant, en bordure principalement.

Le poisson prend l’habitude, peut-ĂȘtre aussi par atavisme, d’un tel Ă©tat de choses ; il fait bombance les jours de crue, et vous pouvez ĂȘtre certains qu’en promenant un beau ver de terre le long des bords, par eau trouble, vous ne reviendrez pas bredouilles.

C’est l’appĂąt par excellence pour la truite ; tous les campagnards, amateurs ou professionnels, l’emploient exclusivement.

La cascade du Pissou. - Allevard, 2016
La cascade du Pissou. – Allevard, 2016

J’ai dĂ©butĂ© ainsi dans les torrents de la Haute-Loire, et je n’étais encore qu’un gamin de douze ans que j’avais dĂ©jĂ  Ă  mon actif quantitĂ© de belles truites.

J’avoue qu’aujourd’hui j’ai complĂštement dĂ©laissĂ© le ver pour la mouche artificielle, le vairon mort et une petite cuiller de mon invention. Mais ne croyez pas que la truite seule soit susceptible d’ĂȘtre capturĂ©e au ver ; je rĂ©pĂšte ; tous les poissons, depuis le goujon jusqu’au saumon, lui font un sort quand ils le recontrent.

À mon avis, nous pouvons citer, dans l’ordre, nos futures victimes : la truite, l’anguille, la perche, la tanche, la brĂšme, le chevesne, le barbeau, la carpe, le brochet … et j’en passe.

Évidemment, la question de grosseur de l’appĂąt jouera nĂ©cessairement ; le lombric n’aura pas la mĂȘme dimension pour pĂȘcher le goujon ou le saumon, lequel n’accepte d’ailleurs que le paquet de gros vers. Mais nous reparlerons de tout cela plus tard.

En gĂ©nĂ©ral, le procĂ©dĂ© de pĂȘche au ver appliquĂ© Ă  une espĂšce de poissons peut, Ă  la rigueur, servir pour d’autres, mais il sera bon de signaler quelques cas spĂ©ciaux ; nous n’y manquerons pas.

Je disais plus haut que la grosseur et la longueur, consĂ©quemment, du ver variaient avec le poisson recherchĂ© ; nous indiquerons, sans en faire une rĂšgle immuable, les dimensions suivantes : 2 Ă  3 centimĂštres pour le goujon, la brĂšme, la tanche, 5 Ă  6 centimĂštres pour la truite, la perche, le chevesne, 7 Ă  8 centimĂštres, ou plus, pour les grosses espĂšces : anguille, carpe, barbeau, saumon, brochet ; ce qui ne veut pas dire qu’avec un petit ver vous ne capturerez que du fretin : la surprise n’en sera que plus agrĂ©able.

Dimension du vertPoissons
2 Ă  3 centimĂštresgoujon,brĂšme, tanche
5 Ă  6 centimĂštrestruite, perche, chevesne
7 Ă  8 centimĂštres ou plusanguille, carpe, barbeau, saumon, brochet

Nous pouvons aisĂ©ment nous procurer une grosse quantitĂ© de vers sans avoir quoi que ce soit Ă  notre disposition : recherchons un prĂ© en contre-bas, frais, sans ĂȘtre inondĂ© cependant, et nous piĂ©tinerons vivement le sol Ă  la mĂȘme place. Nous ne tarderons pas Ă  voir glisser entre les brins d’herbe et fuir rapidement des lombrics de toutes dimensions, tout autour de nous : ce remue-mĂ©nage leur a fait croire Ă  l’arrivĂ©e d’une taupe, leur mortelle ennemie, creusant ses galeries dans le voisinage. Vous n’aurez qu’à cueillir ceux qui vous conviennent.

Ver de terre
Ver de terre

Quand la sortie se ralentit, changez de place et recommencez votre danse, jusqu’à ce que votre boüte soit pleine.

Un autre moyen aussi simple : enfoncez assez profondĂ©ment dans le prĂ© une barre de fer ou de bois solide et secouez-la fortement en tous sens sans la sortir de terre : le rĂ©sultat sera aussi excellent.

De vieux sacs mouillĂ©s abritent Ă©galement de nombreux vers Ă  la belle saison ; la nuit, par temps humide, on fait une ample provision dans les terrains nouvellement travaillĂ©s, mais … en s’aidant d’une lanterne.

Il nous faut des vers pendant les mois froids ou au dĂ©but du printemps, et on n’en peut trouver Ă  cette Ă©poque dans la terre.

Aussi, pendant l’étĂ©, nous en constituerons une rĂ©serve que nous conserverons Ă  la cave, dans l’obscuritĂ© et Ă  l’abri du froid.

Nous emploierons un vieux baquet en bois, contenant une couche de terre de taupiniĂšre, sans cailloux, puis une couche de mousse, une couche de dĂ©bris de vieux sacs pourris et ainsi de suite jusqu’en haut. Couvrez le baquet avec une toile, car les vers sortiraient. VĂ©rifiez de temps en temps l’état de santĂ© de vos pensionnaires et enlevez les morts, qui contamineraient les autres.

En prĂ©vision d’une partie de pĂȘche, placez-en quelques-uns, plusieurs jours Ă  l’avance, dans une boĂźte quelconque, mais pas en fer-blanc surtout, elle rouillerait, Ă  demi remplie de mousse ou de marc de cafĂ©. LĂ , les vers se videront, durciront et deviendront fermes comme du caoutchouc ; ils tiendront solidement Ă  l’hameçon, vivront plus longtemps et resteront, de ce fait, plus attirants.

Il y a une certaine façon de monter l’hameçon pour pĂȘcher Ă  l’aide d’un ver moyen : vous placez le long de la hampe, sans palette, deux ou trois morceaux de poils de brosse, que vous laisserez dĂ©passer de 2 ou 3 millimĂštres hors de la ligature, car le montage sera celui dit « Ă  l’anglaise Â», c’est-Ă -dire en ligaturant le crin sur l’hameçon avec de la soie fine poissĂ©e, puis vernie ensuite (voir fig. 1).

Le ver ne pourra ainsi plus redescendre sur la courbure de l’hameçon, oĂč il se tasserait et deviendrait inopĂ©rant.

Un autre procĂ©dĂ© employĂ© pour les gros vers consiste Ă  placer en haut de la hampe, toujours avec le montage « Ă  l’anglaise Â», un petit hameçon qui accrochera la tĂȘte de l’appĂąt et le maintiendra en bonne place (voir fig. 2).

Enfin, la monture dite « Steward Â», du nom de l’inventeur anglais qui l’a conçue, s’emploie dans la pĂȘche en plein courant ; elle se compose d’un crin assez fort, terminĂ© d’un cĂŽtĂ© par une boucle pour fixer au bas de ligne, et sur lequel sont finement ligaturĂ©s avec de la soie rouge trois hameçons superposĂ©s dans le mĂȘme plan, mais en quinconce, pourrais-je dire ; celui du haut en no 12, celui du milieu en no 10, et celui du bas en no 8 (voir fig. 3).

Montage des hameçons pou ver de terre en 1949
Montage des hameçons pou ver de terre en 1949

Vous accrochez le ver Ă  l’hameçon du fond et le faites remonter sur la hampe, puis vous le tournez autour du crin et le fixez Ă  l’hameçon du milieu, le tournez encore en spirale et finalement l’accrochez par la tĂȘte Ă  l’hameçon du haut.

VoilĂ  pour les montures principales, car il yen a bien d’autres Ă  la disposition des « bricoleurs Â» et chacun peut concevoir un montage bien personnel, en lequel il a confiance. En matiĂšre de pĂȘche, comme en toute autre chose, la confiance est la premiĂšre garantie du succĂšs.

La plupart des pĂȘcheurs au ver plombent leur bas de ligne Ă  20 ou 30 centimĂštres de l’hameçon par un ou plusieurs plombs fendus ; ce plombage rĂ©ussit assez bien en eau trouble, mais, en eau claire, le poisson se mĂ©fie, et mĂȘme parfois attaque la plombĂ©e, selon son humeur du moment.

En outre, ces plombs se coincent sous les pierres, immobilisant toute l’avancĂ©e.

Je conseille de ne mettre qu’un seul grain, juste en tĂȘte de l’hameçon ; il paraĂźtra ĂȘtre la continuation du ver. Poussant la minutie jusqu’à l’exagĂ©ration — peut-ĂȘtre, — je coloriais ce plomb en rouge foncĂ©, couleur de l’appĂąt.

Il n’y a ainsi plus qu’un seul point d’attraction : le ver, et moins de risques d’accrochage.

J’ai gardĂ©, pour la fin de cette causerie, la description d’une monture mixte, excellente pour la perche, mais fort meurtriĂšre aussi pour tous les poissons chasseurs : c’est une des trois dessinĂ©es plus haut, avec, en plus, une hĂ©lice minuscule en fer-blanc, placĂ©e en tĂȘte (fig. 4).

Elle s’emploie dans les courants en pĂȘchant Ă  la descente, par des relĂąchĂ©s successifs, afin d’assurer Ă  l’hĂ©lice une rotation rapide et continuelle. La perche est irrĂ©sistiblement attirĂ©e par ce leurre.

En eau calme, il faut rĂ©cupĂ©rer aprĂšs un lancer. Avec un moulinet Ă  tambour fixe, on rĂ©ussit des pĂȘches magnifiques, avec un ver « Ă  hĂ©lice Â». Cependant, comme tout lancer, mĂȘme Ă  cadence ralentie, dĂ©tĂ©riore rapidement le ver ; que, d’autre part, la rĂ©cupĂ©ration donne vie et mouvement Ă  l’appĂąt et que, enfin, l’hĂ©lice augmente le pouvoir attractif, il n’y a aucun inconvĂ©nient Ă  remplacer le ver naturel par son sosie en caoutchouc, fait avec un bout de tuyau de vaporisateur.

Nous verrons, le mois prochain, au bord de la riviÚre, comment utiliser efficacement ces diverses montures.»

Infos source

  • Source : Le Chasseur Français N°625 Mars 1949 Page 353
  • Auteur : Marcel LAPOURRÉ.
  • Titre : PĂȘches au ver de terre
  • Rubrique : La pĂȘche

En résumé

Plus qu’un simple appĂąt, le ver de terre est un compagnon fidĂšle du pĂȘcheur. Bien montĂ©, bien prĂ©sentĂ© et bien conservĂ©, il continue, malgrĂ© les modes, Ă  faire la diffĂ©rence au bord de l’eau.

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Notes :

🔎 Pour enrichir ce texte ancien, j’ai sĂ©lectionnĂ© quelques images d’époque et photos personnelles qui Ă©voquent l’ambiance ou les techniques dĂ©crites.
⚠ Note : certaines techniques dĂ©crites ici peuvent ĂȘtre aujourd’hui interdites ou rĂ©glementĂ©es. VĂ©rifiez toujours les lois en vigueur avant de pratiquer.

Article publié initialement en 2019.

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