đŸ”” Les pĂȘches cĂŽtiĂšres : Le HĂ©non (1951)

Le hĂ©non, ce coquillage que l’on cueille sur les plages de la cĂŽte picarde et de la cĂŽte d’Opale, Ă©voque des souvenirs prĂ©cieux. Les Ă©crits anciens, comme celui-ci de 1951, nous font revivre les moments de notre jeunesse et des vacances passĂ©es. Je garde en mĂ©moire les moments oĂč, avec mon frĂšre et sous le regard de nos parents, nous ramassions les coques sur la plage de Quend-Plage-Les-Pins, non loin de Fort-Mahon.

📰 Le HĂ©non, la coque picarde

1951

«Qui n’a pas de grives doit se contenter de merles.

Nos merles d’aujourd’hui, ce seront, si vous le voulez bien, les coques, un mollusque d’ailleurs fort savoureux en bonne saison.

La coque, ou mĂȘme le coque, comme on dit sur certaines cĂŽtes picardes, voire le hĂ©non, comme on le nomme Ă  Berck, est un petit mollusque de la grosseur d’une noix, qui vit enfermĂ© entre deux valves ventrues et mĂȘme rebondies, striĂ©es verticalement. Les bords de ces valves sont dentelĂ©s et se rejoignent hermĂ©tiquement : on Ă©prouve ainsi l’impression que la bĂȘte se clĂŽt au moyen d’une fermeture Ă©clair.

ExtĂ©rieurement, c’est un coquillage d’un blanc grisĂątre en gĂ©nĂ©ral, souvent mĂȘme entiĂšrement gris, parfois d’un bleu profond (mais cette derniĂšre teinte demeure plutĂŽt rare). On peut Ă©noncer en principe que la couleur de la coque s’apparente toujours Ă  celle des fonds oĂč elle vit — par mimĂ©tisme peut-ĂȘtre. Des fonds qui vont du sable blond Ă  la vase en passant par la tangue, comme dans la baie du Mont Saint-Michel, sans jamais toutefois s’Ă©tendre aux zones rocheuses, car la coque est un mollusque de sable mou, sans nulle exception.

IntĂ©rieurement, la coque offre une chair d’un gris trĂšs clair, pourvue d’une sorte d’appendice d’un jaune orangĂ©, dont la cuisson avive curieusement l’Ă©clat. Elle constitue une nourriture de choix, bien que sa multiplicitĂ© la fasse un peu dĂ©daigner des habituĂ©s des cĂŽtes sableuses. On la dĂ©guste aussi bien crue que cuite. Il existe d’ailleurs diverses façons de l’accommoder, depuis la classique mariniĂšre oĂč l’on fait « sauter Â» les coques en vrac, jusqu’Ă  la matelote dorĂ©e au four, Ă  plein beurre, oĂč les mollusques, prĂ©alablement court-bouillonnĂ©s, sont dĂ©cortiquĂ©s un Ă  un.

Le printemps, et notamment le mois de mars, convient parfaitement Ă  la pĂȘche aux coques. C’est l’Ă©poque oĂč les valves de cet animal sont pleines et oĂč sa chair est la plus fine. Comme une telle pĂȘche n’exige point qu’on se mouille, comme on peut, dans la plupart des cas, l’effectuer Ă  pied sec ou presque, le moment semble venu de nous y prĂ©parer.

Mais, d’abord, l’amateur se rappellera que la coque ne se trouve jamais que sur des bancs de sable fin, particuliĂšrement dans les estuaires de certaines riviĂšres, la Somme ou l’Authie, par exemple, ou dans de larges baies affouillĂ©es par divers courants d’eau douce, ainsi la baie d’Avranches — ces dĂ©signations n’Ă©tant nullement limitatives. Du sable fin, mais aussi du sable mou, ne reposant jamais sur une assise du rocher, et surtout du sable d’alluvion, aux couches superposĂ©es.

Notre « coquetier Â» notera aussi que la coque vit parfois en colonies extrĂȘmement denses — pas trĂšs souvent cependant — et il fera en sorte de ne pas ouvrir son panier « plus grand que son ventre Â». D’abord, parce qu’il ne faut jamais nuire Ă  la reproduction de l’espĂšce. Mais aussi parce qu’une pleine charge d’hĂ©nons lui scierait le dos ou les reins, au retour des grĂšves, plus sĂ»rement qu’un rhumatisme. Avec cette circonstance ici aggravante que la coque ne se rencontre quelquefois qu’aux limites de basse mer, Ă  des distances considĂ©rables du rivage, singuliĂšrement dans certaines baies.

Ainsi prĂ©venus, il ne vous reste qu’Ă  retenir les diffĂ©rentes maniĂšres de pĂȘcher les coques.

Selon les points du littoral Ă  considĂ©rer, la cueillette de la coque se fera au moyen d’un rĂąteau — voire d’une bĂȘche, fort rarement, — d’une cuiller ou d’une fourchette de cuisine — mais oui, — ou encore Ă  l’Ă©trier ou, plus simplement, Ă  la main (dans ce dernier cas, gare aux ongles et surtout aux particules de sable salĂ© qui s’y insĂšrent !).

Le rĂąteau ou la pelle s’emploient dans certaines anses, et exclusivement lorsqu’on se trouve en prĂ©sence de vĂ©ritables bancs de coques. Le mollusque y pullule parfois en colonies d’une Ă©tonnante richesse. Sa rĂ©colte ressortit bien davantage alors Ă  un travail de hersage ou de labour qu’Ă  une pĂȘche proprement dite. Dans des secteurs ainsi favorisĂ©s, il arrive qu’on parvienne Ă  remplir un plein panier mannequin en quelques minutes — ce qui ĂŽte tout attrait halieutique Ă  l’opĂ©ration. Mais rien n’est plus curieux, au paradis de la coque — ainsi la baie de la Somme et surtout la rĂ©gion du Crotoy — que de voir, aux portes des pĂȘcheurs, tout au long des rues, de lourdes mannes de coques que des camions de mareyeurs viennent enlever les unes aprĂšs les autres, maison aprĂšs maison, exactement comme l’on procĂšde, dans les pays beurriers, Ă  la collecte des channes Ă  lait.

CPA - 12. PĂȘche des hĂ©nons dans la Baie de Somme
CPA – 12. PĂȘche des hĂ©nons dans la Baie de Somme

L’amateur se contentera d’une pĂȘche moins industrielle, ne serait-ce que pour maintenir en forme son appĂ©tit et son goĂ»t pour les hĂ©nons. Sur la plupart des longues grĂšves Ă  sable fin, la nature y aidera, dans la mesure oĂč la coque s’y cueille surtout Ă  l’unitĂ©.

Comme ce mollusque vit enfoncĂ© de quelques centimĂštres dans le sable, il convient de surveiller sans cesse la surface unie de celui-ci, oĂč la prĂ©sence de l’animal s’inscrit toujours, automatiquement, par une bosse, un double trou, une touffe (de varech) ou une « flamme Â».

La bosse, c’est un lĂ©ger renflement du sable qui dĂ©cĂšle le point exact oĂč gĂźt la coque. D’apparence fort caractĂ©ristique, cette bosse se reconnaĂźt plus facilement le matin et le soir, au soleil levant ou au soleil couchant, qu’en plein midi — il est aisĂ© de comprendre par quel jeu d’ombres.

Le double trou, c’est la trace que laisse parfois la coque ensablĂ©e. Lorsque, au reflux, la coque s’enfonce et s’abrite, on dĂ©couvre presque toujours en surface deux trous minuscules qui se lisent parfaitement sur les sables blancs, l’un toujours plus grand que l’autre et d’un diamĂštre d’un millimĂštre au plus. Ces trous ne sont distants l’un de l’autre que de moins d’un centimĂštre. Le regard exercĂ© du coquetier s’entraĂźnera vite Ă  les distinguer — tout en se gardant de les confondre avec certains trous de vers ou avec de simples gouttelettes de mazout.

La touffe, moins frĂ©quente, c’est une toute petite particule de varech blond dont la base semble se rattacher Ă  l’intĂ©rieur de la valve ou au corps de l’animal lui-mĂȘme. On n’en constate guĂšre la prĂ©sence que sur certaines cĂŽtes de la Manche. Encore n’est-ce lĂ  qu’un procĂ©dĂ© de repĂ©rage plutĂŽt relatif, le vanneau ou flion, autre mollusque, y prĂ©sentant souvent la mĂȘme particularitĂ©.

La « flamme Â» enfin, c’est une sorte de tache claire ou sombre que laisse la coque en surface, Ă  l’emplacement mĂȘme oĂč elle s’est enfouie. Cette tache correspond Ă  la coloration des fonds, par rapport Ă  celle de la grĂšve, et provient toujours de parcelles infĂ©rieures refoulĂ©es en surface, au moment ou la coque s’enfonce. Dans les rares endroits oĂč ce procĂ©dĂ© de recherche se pratique, la baie de Morsalines, par exemple, la tache est le plus souvent d’un gris plus sombre que le sable mĂȘme oĂč elle s’inscrit.

Telles sont les quatre clĂ©s essentielles du pĂȘcheur de coques, celles qui lui permettront de dĂ©terminer du premier coup d’Ɠil la prĂ©sence du mollusque et le nombre de ses congĂ©nĂšres. Un coquetier d’expĂ©rience commence par prospecter ainsi ses grĂšves pour attaquer ensuite, de prĂ©fĂ©rence, les points oĂč se multiplient les signes.

CPA-Mont-Saint-Michel - La pĂȘche aux coques - 2 B.F., Paris
CPA-Mont-Saint-Michel – La pĂȘche aux coques – 2 B.F., Paris

Quant aux conditions de l’attaque en soi, de l’opĂ©ration de cueillette proprement dite, elles tombent si bien sous le sens qu’il me paraĂźt Ă  peine utile de les prĂ©ciser.

Si le pĂȘcheur travaille Ă  la cuiller, il lui suffira, bien entendu, de glisser cet ustensile en oblique dans le sable, sous l’emplacement repĂ©rĂ© (et au fur et Ă  mesure du repĂ©rage) pour ramasser en toute quiĂ©tude de trĂšs beaux Ă©chantillons de l’espĂšce. On peut tout aussi bien, et quelquefois mĂȘme mieux, se servir Ă©galement d’une fourchette aux mĂȘmes fins, voire, comme je l’ai dit plus haut, de la fourchette d’Adam. On aura loisir aussi d’employer, si l’on prĂ©fĂšre, un trĂšs petit rĂąteau d’enfant.

CPA 194- LE CROTOY - La pĂȘche aux coques
CPA 194- LE CROTOY – La pĂȘche aux coques

Ce procédé des plus simples est utilisé surtout sur les grÚves de sable fin, singuliÚrement en Picardie.

Lorsqu’on devra pĂȘcher la coque dans des sables plus lourds, la plupart du temps des sables gris, on aura intĂ©rĂȘt Ă  employer l’Ă©trier comme instrument de pĂȘche. Ce n’est Ă©videmment pas lĂ  un porte-pied de cavalier, mais, Ă  son image, une mince lame de fer repliĂ©e et le plus souvent entourĂ©e de lainage Ă  son sommet, pour constituer la poignĂ©e du pĂȘcheur et ne point lui blesser la main. La barre horizontale de la base de cet Ă©trier servira Ă  affouiller les tangues, Ă  l’emplacement mĂȘme de la « flamme Â», ou tache, et Ă  faire sortir d’un seul coup la coque qui s’y abrite.

Ces divers moyens vous permettent d’effectuer, sur les cĂŽtes sableuses de France, des pĂȘches de choix et de ne cueillir en gĂ©nĂ©ral que de trĂšs beaux spĂ©cimens de la race, beaux et bons, vous pouvez m’en croire.»

Infos source

  • Source : Le Chasseur Français N°649 Mars 1951 Page 153
  • Auteur : Maurice-Ch. RENARD.
  • Titre : Les pĂȘches cĂŽtiĂšres / Les coques
  • Rubrique : La pĂȘche
CPA couleurs - Berck-Plage. - Le vrai marchand de coques
CPA couleurs – Berck-Plage. – Le vrai marchand de coques

En résumé

Plus qu’une simple rĂ©colte, la pĂȘche Ă  pied des coques est un art accessible et respectueux de l’environnement, Ă  condition de connaĂźtre ses subtilitĂ©s. Ce retour dans les annĂ©es 1950 nous rappelle combien la nature et la mĂ©moire sont liĂ©es par des gestes simples mais chargĂ©s de sens.

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Autres ressources :

  • La coque un appĂąt de choix
    La coque est un coquillage apprĂ©ciĂ© par de nombreuses espĂšces. c’est un des appĂąts pour la dorade : cueillette, conservation et eschage.
  • PĂȘche Ă  pied des coques (www.pas-de-calais.gouv.fr)
    La pĂȘche Ă  pied des coques est rĂ©glementĂ©e afin de protĂ©ger les ressources biologiques de la mer et la santĂ© publique. Des rĂšgles diffĂ©rentes s’appliquent aux pĂȘcheurs professionnels, titulaires d’un permis national et d’une licence rĂ©gionale, et aux pĂȘcheurs de loisir.

Notes :

📌 Les images illustrant cet article (carte postale ancienne, photo personnelle) ont Ă©tĂ© ajoutĂ©es par mes soins. Le texte original n’en contenait pas.

⚠ Note : certaines techniques dĂ©crites ici peuvent ĂȘtre aujourd’hui interdites ou rĂ©glementĂ©es. VĂ©rifiez toujours les lois en vigueur avant de pratiquer.

Article publié initialement en 2019


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