đŸ”” Surfcasting en 1950 : matĂ©riel et techniques

Le surfcasting, pratique emblĂ©matique de la pĂȘche en mer, a Ă©voluĂ© au fil des dĂ©cennies. Cet article du Chasseur Français de 1950, signĂ© Pierre Lartigue, nous replonge dans l’univers des pĂȘcheurs d’aprĂšs-guerre et leur matĂ©riel ingĂ©nieux, souvent rustique mais redoutablement efficace.

📰 La PĂȘche en mer : Le surf-casting

1950

« J’ai indiquĂ©, dans mes derniers articles, la vogue extraordinaire dont jouissait actuellement le surf-casting sur les plages sableuses ; il est bon maintenant de parler du matĂ©riel.

La canne sera, en gĂ©nĂ©ral, constituĂ©e par un bambou assez fort, long de 4m,50 environ ; pour des commoditĂ©s de transport, le bambou pourra ĂȘtre en deux parties, mais, le plus souvent, les pĂȘcheurs locaux utilisent une canne en un seul morceau. Pour choisir cette canne, il faut Ă©tudier sa longueur et sa puissance. Sa longueur va, comme nous l’avons dit, de 3m,50 Ă  5 mĂštres. Toutefois, lorsqu’on lancera d’une jetĂ©e, on pourra se contenter d’une longueur plus courte : 2m,50 Ă  2m,80 environ. En effet, sur les digues et les jetĂ©es, il y a souvent des obstacles Ă  proximitĂ©, et il importe de pouvoir lancer avec le moins de volĂ©e possible ; sur une plage, au contraire, on a derriĂšre soi un grand espace libre et, devant, des brisants particuliĂšrement violents. Il faut donc lancer au-dessus de ces brisants et, d’autre part, il faut pouvoir, en tenant la canne verticale, maintenir la ligne haute et bien dĂ©gagĂ©e du ressac, ce qui implique une canne longue.

Donc, je rĂ©sume : pour la pĂȘche d’une digue ou d’une jetĂ©e : canne de 2m,50 Ă  2m,80 ; pour la pĂȘche sur une plage : canne d’au moins 4 mĂštres et pouvant aller jusqu’Ă  5 mĂštres.

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Quelle doit ĂȘtre la puissance de la canne ?

Cette puissance ne doit pas ĂȘtre calculĂ©e suivant le poids de poisson qu’elle aura Ă  tirer, mais suivant le poids qu’on aura Ă  lancer. Une formule simple donnĂ©e par Decantelle 1 indique la rĂšgle Ă  choisir : « L’effort subi par une canne lors du lancer est Ă©gal Ă  dix fois le poids projetĂ© ; l’effort subi par une canne lors de la manoeuvre d’un poisson ne dĂ©passe que rarement le 1/10 du poids de ce poisson. Â»

En MĂ©diterranĂ©e, oĂč la marĂ©e est nulle et les courants faibles, un plomb de 100 Ă  150 grammes est largement suffisant, de sorte qu’une canne pouvant supporter sans effort exagĂ©rĂ© un poids de 1 kilo Ă  1kg,500 convient parfaitement.

Sur les cĂŽtes de la Manche et de l’OcĂ©an, surtout en pĂ©riode de vives eaux, le courant est assez fort, et, de plus, on doit souvent lancer contre le vent, le plomb atteint frĂ©quemment 200 et mĂȘme 250 grammes. Dans ce cas, il faut que la canne puisse supporter sans effort exagĂ©rĂ© un poids de 2kg,500, et elle peut sortir un poisson de 20 Ă  25 kilos.

Je ne conseille guĂšre le bambou refendu, non point — et loin de lĂ  — qu’il ne soit bon, mais parce qu’il est cher et que, travaillant dans des conditions pĂ©nibles, on risque de l’abĂźmer ; d’autre part, de mĂȘme que pour le greenhart 2, il est difficile d’avoir une canne atteignant les 4m,50 demandĂ©s.

Je conseille donc simplement le grand bambou ordinaire, d’un diamĂštre de 4 centimĂštres Ă  la base et d’au moins un centimĂštre au bout. Évidemment, cette canne doit ĂȘtre pourvue de viroles et d’anneaux en agate ou en acier inoxydable ; je ne conseillerai pas les anneaux de porcelaine, parce qu’ils sont trop fragiles. Enfin, sur les plages sableuses, il est bon de munir la canne d’un petit piquet pointu en acacia, qui permettra de l’enfoncer dans le sable.

Il est utile de munir la canne d’un bon moulinet bien fixĂ© ; toutefois, dans bien des rĂ©gions, on se contente d’attacher Ă  la canne un moulinet par une laniĂšre en caoutchouc bien serrĂ©e. C’est le moulinet qui sera la principale dĂ©pense du pĂȘcheur ; il ne faut pas hĂ©siter Ă  y mettre le prix. Sur les jetĂ©es de la Manche, et notamment Ă  Boulogne, on emploie encore le moulinet classique, en contre-plaquĂ©, souvent muni d’un roulement Ă  billes ; il est excellent mais demande une main expĂ©rimentĂ©e et est souvent sujet Ă  la perruque, si on ne commence pas Ă  freiner avec le pouce au moment oĂč le plomb va toucher l’eau. Mais, en bonnes mains, il permet des lancers magnifiques, atteignant 50 et 60 mĂštres.

Le plus simple, mais aussi le plus coĂ»teux, sera de se munir d’un gros moulinet Ă  tambour fixe. Je signale comme Ă©tant les plus pratiques (rĂ©clame non payĂ©e) le Luxor-mer, le Rumer et le Robur. Inutile de prĂ©senter le Luxor-mer et le Rumer qui ont, en outre, le gros avantage de pouvoir ĂȘtre utilisĂ©s en riviĂšre pour la pĂȘche Ă  la carpe, au brochet et au saumon. Quant au Robur, outre son prix moins Ă©levĂ©, il a l’avantage d’ĂȘtre extrĂȘmement rustique et de permettre le lancer comme un tambour fixe et la rĂ©cupĂ©ration comme un moulinet axial ordinaire, ce qui est plus rationnel ; il a Ă©galement l’avantage, de par sa rusticitĂ©, de pouvoir tomber dans le sable, sans pour cela s’enrayer ; mais il ne peut ĂȘtre employĂ© que pour la pĂȘche en mer.

Les anciens moulinets de pĂȘche
Surfcasting en 1950 : les anciens moulinets de pĂȘche

La ligne de mer doit ĂȘtre suffisamment fine, solide et rĂ©sister Ă  l’eau de mer. On a longtemps employĂ© le lin et le coton, que l’eau de mer n’attaque guĂšre ; toutefois, les lignes en lin et en coton exigent d’ĂȘtre sĂ©chĂ©es aprĂšs la pĂȘche, ce qui prĂ©sente un inconvĂ©nient pour le pĂȘcheur fatiguĂ© de son expĂ©dition ; aussi, de plus en plus, le nylon est-il employĂ©.

Il faut enrouler sur le tambour du moulinet 150 mĂštres de nylon 50 ou 60 centiĂšmes ; Ă  l’extrĂ©mitĂ© du nylon sera placĂ© un Ă©merillon de forte taille ; on fixera Ă  celui-ci le bas de ligne, qui sera en principe toujours en nylon de mĂȘme diamĂštre que celui de la ligne elle-mĂȘme. Ce bas de ligne sera en rapport avec la longueur de la canne : long de 2 mĂštres environ pour la canne utilisĂ©e sur les jetĂ©es, il atteindra 3 mĂštres sur les cannes de plage. Et pratiquement, pas de fil d’acier, sur lequel les boucles peuvent ĂȘtre fatales au cours du lancer, sauf dans certains cas de pĂȘche au squale.

Les avançons seront en nylon, sauf dans quelques cas particuliers de pĂȘche au squale ou au congre, oĂč l’on pourra employer l’acier cĂąblĂ© souple.

Pour empĂȘcher les avançons de s’accrocher dans le bas de ligne, il faudra les monter en potence et les choisir assez courts ; sur les plages de la Manche, on utilise des clippots, qui sont des petites baguettes rigides en mĂ©tal qui se fixent instantanĂ©ment sur le bas de ligne. Sur les cĂŽtes de l’OcĂ©an, le clippot n’est pas employĂ© ; on prĂ©fĂšre monter directement l’avançon sur la ligne.

Quant aux hameçons, ils dĂ©pendent, Ă©videmment, du poisson que l’on veut capturer ; pour les poissons plats, tels que le turbot, la sole, la plie, on peut utiliser des hameçons Ă  corps minces et de petites tailles, allant du n°5 au n°000 ; pour les poissons normaux, allant de 1 Ă  2 kilos, on emploiera des hameçons Ă  allure carrĂ©e en acier forgĂ© de 1cm,50 environ ; pour les congres ou les gros poissons, il faut des hameçons de 3 Ă  4 centimĂštres en acier et munis d’un Ă©merillon.

Sur les fonds prĂ©sentant des obstacles rocheux, on emploie des plombs ronds et plats, sans fil de cuivre ; sur les cĂŽtes sableuses, les plombs pĂšseront de 200 Ă  3000 grammes et seront munis de 4 fils de cuivre souple longs chacun de 8 Ă  10 centimĂštres environ et qui serviront Ă  ancrer la ligne sur le fond meuble.

Passons maintenant aux accessoires. Je n’insisterai pas sur le sac Ă  pĂȘche. Pour les appĂąts, je conseille fortement une caissette en bois ayant 2 ou 3 compartiments, contenant d’un cĂŽtĂ© les vers, tels que les arĂ©nicoles, de l’autre cĂŽtĂ© les coquillages, tels que la palourde ou le lavagnon.

Il sera utile, pour la pĂȘche aux squales ou aux gros poissons, d’ĂȘtre muni d’une gaffe semblable Ă  celle employĂ©e pour la pĂȘche au saumon, et qui servira Ă  harponner le poisson au moment oĂč il commence Ă  Ă©chouer sur le sable.

N’oublions pas, enfin, un bon couteau en acier inoxydable, avec une lime pour affĂ»ter les hameçons ; il ne s’agit pas, en effet, de fourrer ses doigts dans la bouche d’un petit squale ou de prendre Ă  pleine main un poisson venimeux.

Pour la pĂȘche des gros poissons en bateau, on pourra, Ă©videmment, employer une canne courte (1m,50 Ă  1m,80) en bambou refendu ; cette canne peut servir pour la pĂȘche du petit thon ou du congre ; comme elle ne sert pas au lancer, elle peut ĂȘtre munie, Ă  la place de l’anneau de tĂȘte, d’une petite poulie, afin de diminuer l’usure de la ligne.»

Infos source

  • Source : Le Chasseur Français N°644 Octobre 1950 Page 600
  • Auteur : LARTIGUE.
  • Titre : PĂȘche en mer – Le surf-casting
  • Rubrique : La pĂȘche

En résumé

Ce tĂ©moignage de Pierre Lartigue offre un prĂ©cieux regard sur la passion des pĂȘcheurs de l’époque. À travers la simplicitĂ© du bambou, la robustesse du moulinet et le choix minutieux des appĂąts, on comprend que la quĂȘte du poisson Ă©tait dĂ©jĂ  guidĂ©e par savoir-faire, adaptation et respect du milieu marin.

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Notes :

📌 Les images illustrant cet article (carte postale ancienne, photo personnelle) ont Ă©tĂ© ajoutĂ©es par mes soins. Le texte original n’en contenait pas.

⚠ Note : certaines techniques dĂ©crites ici peuvent ĂȘtre aujourd’hui interdites ou rĂ©glementĂ©es. VĂ©rifiez toujours les lois en vigueur avant de pratiquer.

  1. Philippe Joseph EugÚne Alexis Decantelle (1879-1960)
    PrĂ©sident du Fishing club de France, PrĂ©sident du conseil d’administration de la PĂȘche illustrĂ©e. ↩
  2. Le greenheart (bois de lance en Guyane) est un arbre au bois trĂšs dense et rĂ©sistant des forĂȘts Ă©quatoriales d’AmĂ©rique du sud.
    En savoir plus sur ce sujet : Le Greenheart pour la pĂȘche (lecomptoirgeneral.com)  ↩

Article publié initialement en 2010

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