Première halte sur le chemin du retour des vacances.
Nous avons pris la route en fin de matinée et il est temps de laisser notre chien se dégourdir les pattes — et ses maîtres en profiter aussi !
Nous voilà aux abords de Sanary et Bandol, sur l’autoroute A50.
Un panneau attire soudain mon regard : « Le Roi des Poissons ».
Il n’en fallait pas plus pour éveiller ma curiosité de pêcheur… Quelle drôle d’histoire !
Le Roi des Poissons
«Il était une fois, dans les profondeurs d’azur, le Roi des Poissons.
Sa reine mit au monde un fils minuscule, mais dont l’éclat promettait la force et la beauté de son père. Hélas, la reine s’éteignit bientôt, laissant le roi noyé dans le chagrin, perdu devant ce berceau d’écume.
Alors, il chercha une mère pour son enfant.
Son esprit revint sans cesse vers la femme d’un pêcheur, qu’il observait parfois depuis la surface. Elle avait une voix douce, pareille au roulis des vagues, et une beauté qui le retenait au rivage plus longtemps qu’il n’aurait dû.
Invisible aux yeux des hommes — car son corps immense eût semé l’effroi — le Roi des Poissons sortit de son palais marin. Il enleva la femme et l’installa près de son fils, lui confiant sa garde. Elle n’entendait que sa voix, profonde comme la mer. Et peu à peu, son cœur s’attacha à l’enfant comme s’il était né d’elle.
Un soir, le roi lui apporta une pommade mystérieuse :
« Enduis son front de ce baume, mais seulement quand la nuit sera noire, sans lumière, sans regard. »
Elle obéit.
Au matin, en écartant les draps, l’enfant avait disparu.
Saisie, elle porta la main à ses yeux, et du bout des doigts tachés de pommade, elle toucha ses paupières. Alors, le monde bascula : le voile invisible se déchira. Elle vit l’enfant endormi, lumineux comme une perle. Elle vit aussi le Roi des Poissons, dans toute son immensité majestueuse.
Et lui, qui l’avait toujours aimée en secret, se révéla sans crainte. Car désormais, elle le voyait, elle le comprenait.
Il la prit pour épouse.
On raconte qu’ils vécurent heureux, et que la mer s’emplit bientôt de petites sirènes aux yeux clairs et au rire d’écume, qui dansent encore aujourd’hui sous les vagues.»
Une halte sous le signe des légendes marines
Sur l’aire de Sanary, au bord de l’autoroute qui relie Toulon à Marseille, s’élève une silhouette étrange : Le Roi des Poissons.
Né des mains de Noël Pasquier, artiste breton qui aime marier pierre, mosaïque et métal, ce roi marin semble avoir quitté les profondeurs pour veiller sur les voyageurs.
Il rappelle les légendes anciennes, quand les esprits de la mer apparaissaient aux hommes sous des formes fabuleuses. Ici, le roi surgit au milieu du bitume et des voitures, comme un gardien discret, une halte d’imaginaire dans le flux incessant de la route.
Ainsi, entre deux destinations, on croise un fragment de mythe : un poisson couronné, ancré dans la pierre, qui chuchote encore les histoires de la Méditerranée à ceux qui prennent le temps de s’arrêter.
Le Roi des Poissons n’est pas qu’une œuvre figée dans la pierre : il incarne la mémoire des récits marins et l’émerveillement que suscite l’inattendu. En prenant le temps de s’arrêter, on découvre que même au bord de l’autoroute, les légendes continuent de vivre et de nous inspirer.
