🔵 Histoire fascinante des huîtres en France

Les huîtres ne sont pas qu’un mets prisé des gourmets : leur histoire, riche en rebondissements et en traditions, traverse les siècles et les continents. De la préhistoire à nos assiettes, leur rôle a bien évolué…

Petite histoire des huîtres

Les huîtres ont été cultivées pour la première fois en Chine, il y a environ 4000 ans. Les Chinois ont développé des techniques pour favoriser la croissance des huîtres et produire des perles artificielles.

Les huĂ®tres ont ensuite Ă©tĂ© introduites en Europe par les Romains, qui les considĂ©raient comme un mets de luxe. Les Romains ont Ă©galement inventĂ© les premières Ă©closeries d’huĂ®tres, oĂą ils Ă©levaient des larves dans des bassins.

Au Moyen Âge, les huîtres étaient un aliment courant pour les pauvres, car elles étaient abondantes et bon marché. Elles étaient vendues sur les marchés ou ramassées sur les côtes. Les huîtres étaient aussi consommées lors des fêtes religieuses, comme le Carême ou la Saint-Sylvestre.

À partir du XVIIe siècle, les huîtres deviennent un symbole de raffinement et de richesse. Elles sont servies dans les restaurants et les salons mondains, accompagnées de vin ou de champagne. Les huîtres sont aussi appréciées pour leurs vertus aphrodisiaques, ce qui leur vaut une réputation de stimulant sexuel.

Le déjeuner d'huitres - J.F. de Troy, 1735
Le dĂ©jeuner d’huitres – J.F. de Troy, 1735

Une histoire d’huitres du XXe siècle très mouvementĂ©e

«En 1924, l’Ostra Edulis, l’huĂ®tre indigène du bassin d’Arcachon est touchĂ©e par une maladie et voit sa production rĂ©duite Ă  nĂ©ant, on dĂ©veloppe alors l’Ă©levage de la Crassostrea angulara, l’huĂ®tre creuse portugaise.

De 1945 à 1960, on en produit 15000 tonnes par an, mais en 1971, la Carassostra angulata est décimée à son tour.
On la remplace par une autre espèce, la Crassostra gigas ou huître japonaise.

Nouvelle frayeur, cette huĂ®tre qui s’adapte très bien et qui s’avère très performante est touchĂ©e Ă  son tour. Heureusement, on trouvera la cause du mal : des peintures de bateaux, toxiques pour la coquille.

Depuis, la Crassostrea gigas remplit nos assiettes et tout le monde a compris qu’il faut prĂ©server la qualitĂ© des eaux du Bassin.»

Maison de l’huĂ®tre, Gujan-Mestras (Bassin d’Arcachon)

Annexe – Histoire des huĂ®tres

1952

« Les bĂ©lons ou les claires sont revenues aux Ă©ventaires des Ă©caillers, offrant aux gourmets leurs charmes variĂ©s, depuis la native au goĂ»t un peu fort, jusqu’Ă  la fine marennes, en passant par la parente pauvre, la portugaise, qui n’est d’ailleurs pas une huĂ®tre.

Celle-ci est, depuis des siècles, un produit renommĂ© des cĂ´tes de France. Nous savons qu’en Gaule on en cultivait, Ă  Marseille, en MĂ©doc et en Armorique (Bretagne) ; ces mollusques Ă©taient expĂ©diĂ©s Ă  Rome, oĂą ils faisaient les dĂ©lices des gastronomes de l’antiquitĂ©.

Au moyen âge, des marchands spĂ©cialisĂ©s apportaient aux Parisiens ces fruits de mer toujours très apprĂ©ciĂ©s. On connaissait dĂ©jĂ  les couteaux spĂ©ciaux, et Viollet-le-Duc a donnĂ© le dessin de l’un d’eux dans son classique Dictionnaire du mobilier.

Pendant longtemps, nos ancĂŞtres purent choisir diffĂ©rentes prĂ©sentations de ce savoureux hors-d’Ĺ“uvre. Il y avait les huĂ®tres dites Ă  l’Ă©caille ou en Ă©cailles qui arrivaient dans la capitale par eau et que l’on vendait encore enfermĂ©es dans leurs coquilles, comme de nos jours : c’Ă©taient les plus prisĂ©es. Il y avait aussi les huĂ®tres huĂ®trĂ©es ; ces dernières Ă©taient dĂ©pouillĂ©es de leur enveloppe naturelle.

Au XVIe siècle, les huĂ®tres de Bretagne Ă©taient rĂ©putĂ©es les meilleures ; celles du MĂ©doc venaient après ; enfin, celles de Saintonge Ă©taient un peu moins estimĂ©es parce que trop salĂ©es. Rabelais mentionne celles de Busch en Bordelais, dont l’historien de Thou nous entretient en termes fort Ă©logieux : « Près de la Teste, comme la mer Ă©toit basse, on leur apportoit des huĂ®tres dans des paniers ; ils choisissoient les meilleures et les avaloient sitĂ´t qu’elles Ă©toient ouvertes.» 

Elles sont d’un goĂ»t si agrĂ©able et si relevĂ© qu’on croit respirer la violette en les mangeant ; d’ailleurs, elles sont si saines qu’un de leurs laquais en avala plus de cent, sans s’en trouver incommodĂ©. Â»

Il n’en Ă©tait pas de mĂŞme du bon roi Henri IV; en effet, les mĂ©morialistes du temps nous content de temps Ă  autre les indigestions d’huĂ®tres de leur souverain.

Le Vert-Galant eut de nombreux imitateurs au grand siècle. Cependant, certains mĂ©decins estimaient peu ce produit de nos rivages. Le Dr La Framboisière Ă©crit Ă  leur sujet : « Leur chair est grossière et dure Ă  digĂ©rer, causant en nous quantitĂ© d’humeurs terrestres et mĂ©lancholiques. Les bons compagnons les font cuire sur le gril dans leurs escailles, y adjoustant du beurre et quelque peu de poivre, aucuns (d’autres) les font frire Ă  la poĂ©sie, les autres les mangent crues. Â» Un confrère anglais de La Framboisière, Lister, qui visita Paris en 1698, fut Ă©tonnĂ© de ce commerce de fruits de mer. Il note, dans ses fort intĂ©ressants souvenirs de voyage : « On a une manière d’apporter les huĂ®tres fraĂ®ches Ă  Paris dont nous n’usons jamais que je sache, c’est de les tirer de l’Ă©caille, d’en jeter l’eau et de les mettre dans des paniers de paille : elles arrivent ainsi bonnes Ă  ĂŞtre mises en Ă©tuvĂ©e et Ă  ĂŞtre employĂ©es Ă  d’autres ragoĂ»ts. Â»

Ces huĂ®tres Ă©taient pĂŞchĂ©es Ă  Dieppe, Ă  Granville, etc., et principalement Ă  Cancale. Le touriste Dubuisson-Aubenay eut l’occasion, en 1636, de se documenter sur cette rĂ©colte. Les pĂŞcheurs cancalais arrachaient les mollusques agrippĂ©s aux roches de fond Ă  l’aide de râteaux ; leurs femmes Ă´taient prestement l’animal de sa coquille. Cependant, poursuit Dubuisson : « Celles (il s’agit des marennes) que l’on garde vives et en escaille, sont mises en un bateau plein d’eau salĂ©e au fond, oĂą elles vivent, se nourrissent et conservent jusques au lieu oĂą l’on les maine, qui est Ă  Paris, Ă  Caen, Ă  Rouen et Ă  Paris maisme. Â»

Un auteur Ă©crit qu’Ă  la fin du XVIIe siècle il existait Ă  Paris quatre mille Ă©caillers, chiffre qui parait extrĂŞmement exagĂ©rĂ©. Il est certain, en revanche, que le gouvernement s’intĂ©ressa de très près Ă  ce commerce de tout temps assez lucratif. Les ministres de Louis XIV, constatant que le nĂ©goce des huĂ®tres Ă©tait alors entre les mains de trois ou quatre personnes, dĂ©cidèrent de crĂ©er des offices de pourvoyeurs vendeurs d’huĂ®tres Ă  l’Ă©caille, dans le but principalement de faire baisser les prix et de faciliter le ravitaillement. Ajoutons que le centre du marchĂ© de ces fruits de mer Ă©tait alors la rue Montmartre.

Le XVIIIe siècle, Ă  la fois si aimable et si lĂ©ger, raffola de ces savoureux mollusques, les Ă©crivains du temps les chantèrent et aimèrent Ă©galement les dĂ©guster. Voltaire se vantait d’en avoir avalĂ© douze douzaines de rang ; il est vrai que, dans une de ses lettres, il avouait : « Je pourrais bien en manger aussi pourvu qu’on les grille ; je trouve qu’il y a je ne sais quoi de barbare Ă  manger un aussi joli petit animal tout cru. Â»

Jeune fille mangeant des huitres, Jan Steen peint entre 1658 et 1660
Jeune fille mangeant des huitres, Jan Steen peint entre 1658 et 1660

On criait alors les huĂ®tres dans les rues, des femmes, une hotte sur le dos, en proposaient aux chalands ; devant les portes, de jolies filles, postĂ©es devant des bourriches, attiraient la clientèle par leurs coquettes toilettes. Si nous en croyons un contemporain, elles portaient toutes des chaĂ®nes et des croix d’or. Louis-SĂ©bastien Mercier, dans son pittoresque et vivant Tableau de Paris, nous a tracĂ© le croquis d’une de ces marchandes : « L’Ă©caillère a un petit couteau court et fort. Rien n’Ă©gale la prestesse et le jeu adroit de son poignet ; on diroit que ces coquilles d’huĂ®tres ne sont que lĂ©gèrement collĂ©es ; elle semble les dĂ©tacher en les touchant. Sous prĂ©texte d’avaler les suspectes, elle mange effrontĂ©ment, Ă  vos yeux, les plus grasses et les plus appĂ©tissantes. Â»

C’est au temps de Louis XVI, du moins d’après Mercier, que furent imaginĂ©es « des fourchettes particulières pour manger des huĂ®tres ; le petit couteau arrondi, propre Ă  les dĂ©tacher du frein, les accompagne. Ces joujoux d’argent font extasier les jolies femmes, qui, depuis ce temps, aiment les huĂ®tres Ă  la folie, afin d’avoir en prĂ©sent le petit couteau et les jolies fourchettes Â».

La RĂ©volution provoqua la disette et les restrictions alimentaires ; cependant certains amateurs de fruits de mer sacrifiaient Ă  leurs goĂ»ts, mĂŞme devant la guillotine. On conte, ce n’est d’ailleurs peut-ĂŞtre qu’une lĂ©gende, que le 31 dĂ©cembre 1793, le duc de Biron, de retour du tribunal rĂ©volutionnaire, oĂą il venait d’ĂŞtre condamnĂ© Ă  mort, demanda qu’on lui servĂ®t des huĂ®tres et du vin blanc ; il trinqua avec le bourreau et le guichetier, et monta Ă  l’Ă©chafaud …

Les gastronomes, privĂ©s de leurs plats prĂ©fĂ©rĂ©s pendant les annĂ©es sombres de la Terreur et des cartes d’alimentation, respirèrent lorsque le premier Empire ramena un ravitaillement normal. Dès lors, les Ă©caillers furent dĂ©valisĂ©s par les gourmets. Il y avait alors Ă  Étretat un parc pratiquĂ© dans le roc et oĂą l’eau salĂ©e de la mer se mĂ©langeait Ă  l’eau douce d’un ruisseau ; on y laissait sĂ©journer des mollusques provenant de Cancale, qui acquĂ©raient ainsi une saveur particulière.

D’après la relation de voyage d’une touriste anglaise, les huĂ®tres de Roscoff, petites, mais très savoureuses, Ă©taient encore plus recherchĂ©es que celles de Cancale.

On pĂŞchait aussi ces coquillages Ă  l’aide d’instruments en fer comme nous l’apprend le chevalier de Piis, dans cette amusante pièce de vers oĂą il dĂ©peint les derniers jours des condamnĂ©es :

Qu’un Saintongeais ou qu’un Normand
Dont le croc t’enlève Ă  l’arène,
te force Ă  dire : Adieu Royan !
Adieu Cancale ! Adieu Marennes !
Tu sèches bientôt de dépit dans la barque ou dans la voiture, où tu perds sous un grès maudit la liberté de la Nature.
Et quand le poignet assassin de la trop robuste Jeannette tourne et retourne dans ton sein le fer courbĂ© d’une serpette
Ă  chaque attente du trĂ©pas ta chair se contracte Ă  mesure, tes cris â€¦ que nous n’entendons pas, sont entendus de la Nature.

On faisait Ă  cette Ă©poque une grande diffĂ©rence, nous apprend l’Almanach des Gourmands de 1803, entre les huĂ®tres qui parvenaient Ă  Paris par bateau ou par voiture. Ces dernières se vendaient en cloyères dans la vieille rue Montorgueil, qui fut bien longtemps le principal centre de ces fruits de mer. Ils Ă©taient « la prĂ©face obligĂ©e de tous les dĂ©jeuners d’hiver Â» et Ă©taient relevĂ©s d’une pointe de poivre ou d’un jus de citron, mais on les accommodait Ă©galement suivant certaines recettes.

Depuis l’Ă©poque de NapolĂ©on 1er, l’ostrĂ©iculture a fait d’immenses progrès ; on a, depuis dĂ©jĂ  un certain temps, pris l’habitude de manger des portugaises, mais rien n’Ă©gale la dĂ©licate marennes ou la fine bĂ©lon, dont nos pères se rĂ©galaient.

Source : Le Chasseur Français N°667 Septembre 1952 Page 572
Auteur : Roger VAULTIER.
Titre : Histoire des huîtres
Rubrique : Variétés

En conclusion

À travers les âges, l’huître a captivé les palais et stimulé l’innovation. Entre enjeux biologiques et défis écologiques, elle continue d’incarner un symbole gastronomique français à préserver.

Aujourd’hui, les huĂ®tres sont toujours un produit gastronomique, qui se dĂ©guste cru ou cuit, avec du citron, du vinaigre ou de la sauce. Les huĂ®tres sont aussi un aliment sain, riche en protĂ©ines, en minĂ©raux et en omĂ©ga-3. Les huĂ®tres sont cultivĂ©es dans des parcs ostrĂ©icoles, oĂą elles sont protĂ©gĂ©es des prĂ©dateurs et des pollutions. Les huĂ®tres sont classĂ©es selon leur origine, leur taille et leur goĂ»t.

Plateau d'huitres. Arcachon
Plateau d’huitres. Arcachon

Autres ressources:

Publication initiale en 2023.

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